Comment des enfants et des ados vivent-ils dans un centre d’hébergement d’urgence ? Réponse dans un documentaire au cinéma cette semaine « En partenariat avec le journal l’Actu »
Contexte :
1- Des centres d’hébergement d’urgence sont disponibles pour les personnes sans abri.
2- En France, environ 143 000 personnes sont sans domicile fixe. Ce chiffre date de 2012 et ne prend pas en compte celles qui ne sollicitent pas les services sociaux et qui ne vivent pas dans les grandes villes.
3- En 2017, les personnes sans abri ont eu accès, notamment via le 115 ou les SIAO (services d’orientation des personnes sans domicile ou mal logées), à environ 128 000 places d’hébergement d’urgence
« Un jour ça ira », de Stan et Édouard Zambeau
Le documentaire nous plonge au cœur de L’Archipel, un centre d’hébergement d’urgence, à Paris. Il suit Djibi et Ange, deux ados de 13 ans qui se racontent à travers des ateliers d’écriture. Leur vie « Je n’ai jamais dit à mes amis du collège que je vivais dans un centre », avoue Djibi. Ce grand ado sociable se décrit comme un « serial déménageur ». Après un appel au 115, quelques nuits dans un hôtel, il a atterri à L’Archipel le 31 décembre 2015, avec sa mère, sa « collègue ».
Djibi avec sa maman, originaire du Sénégal. Né en Italie, il est arrivé à Paris à l’âge de 2 ans. ©Eurozoom
Les murs sont décrépis, les moquettes sales ou arrachées, les chambres trop étroites. La vie collective est colorée, souvent solidaire, mais la promiscuité est bruyante, souvent dérangeante. Djibi, yeux fatigués et large sourire, sert de guide : « Ce couloir, c’est un voyage dans le monde. À gauche de notre chambre, des Afghans ; à droite, le Soudan. » De son histoire, il ne dit quasiment rien. Mais il écrit, motivé par un atelier d’écriture organisé par la ZEP, avec Aurore. Poète à la fois mature et insouciant, Djibi aime jouer avec les mots. Le documentaire suit l’annonce de la fermeture du centre pour réhabilitation. Il montre l’arrivée inopinée de dizaines de migrants, évacués par la police d’un camp du nord de Paris. L’inquiétude des familles, qui ont besoin d’un toit, de papiers, de soins, d’un travail, est difficilement calmée par les travailleurs sociaux qui se démènent pour les aider. Djibi et sa maman ont obtenu un petit logement. « On a tous été éparpillés. J’ai ma chambre, je l’ai bien décorée. Mais je me sens un peu seul, parfois, glisse-t-il, pudique. Il faut voir ce film pour découvrir ce que nous vivons, mais il faut vivre dans un centre pour vraiment comprendre toutes les galères. » L’ado, qui a désormais 15 ans, aimerait être « acteur… ou vendeur : j’aime la tchatche ! » On le croit sur parole.
Stéphanie Lelong, Play Bac Presse.
« Ces chansons sont à eux, elles sont eux »
Pendant des mois, des jeunes du centre d’hébergement L’Archipel ont travaillé à l’écriture de chansons.
Peggy Rolland, pianiste et chanteuse, a animé pendant un an et demi l’atelier « fabrique à chansons » à L’Archipel, avec son association Fausse note. Et avec trois mots clés…
• Confiance. « Il y a peu d’activités pour les jeunes dans les centres d’hébergement. Ils vivent dans de petites chambres et partagent peu d’espaces communs. Ils ont eu des parcours scolaires chaotiques. Ils sont souvent mal à l’aise avec les mots, ne parlent pas toujours bien français. Ils sont souvent dévalorisés. On a dû apprendre à se connaître, à se faire confiance. »
• Ange. « Les quatre premiers mois, on chantait ensemble ce qu’ils choisissaient. Je leur proposais d’écrire des textes. Un jour, Ange est venue avec ses mots. Elle arrivait de Côte d’Ivoire, où elle avait grandi sans sa mère. Son père l’avait fait venir auprès de lui en France. À chaque séance, elle me proposait ses textes. J’ai utilisé cette matière pour faire la chanson Ange des rues. »
• Authentique. « Les autres ont suivi, chacun à leur rythme. J’essayais de coller à ce qu’ils voulaient exprimer profondément. Ils recevaient ces chansons comme un cadeau et se les appropriaient immédiatement ! Car ces chansons sont à eux, elles sont eux. C’était très fort et très authentique. Nous sommes restés liés. » Stéphanie Lelong, Play Bac Presse.
MOTS CLÉS 115 Numéro gratuit d’urgence du Samu social qui octroie des places d’hébergement d’urgence au jour le jour. Aurore Association qui accueille et accompagne plus de 30 000 personnes en situation de précarité ou d’exclusion : hébergement, soins et insertion professionnelle. Services sociaux Désigne les organisations publiques ou privées aidant les personnes pauvres, malades, âgées… ZEP (Zone d’Expression Prioritaire) Ici, organisation de journalistes professionnels accompagnant des jeunes dans l’éducation aux médias, l’écriture, l’insertion professionnelle.
________
CHIFFRES CLÉS
300 personnes en situation précaire (dont 73 enfants), d’une vingtaine de nationalités différentes, ont vécu au centre d’hébergement d’urgence L’Archipel (fermé en juin 2016).
125 000 places d’hébergement social sont ouvertes en France cet hiver, selon le ministère de la Cohésion sociale.
4 millions de personnes environ sont mal logées en France, selon une étude de la Fondation Abbé-Pierre.
EN SAVOIR PLUS • Les textes des jeunes sont à lire sur le site de la ZEP : http://bit.ly/2rU9rIy. • Le projet autour de l’écriture et de l’enregistrement des chansons est sur www.album-invisibles.fr.