Le débat autour de la loi immigration a pris, avec la décision du Conseil constitutionnel rejetant 35 des 86 articles soumis à sa censure, un nouveau tournant : celui d’une remise en cause de l’institution en charge de contrôler la constitutionnalité des lois.
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« Coup d’État de droit » s’est même écrié un président de région pourtant dûment diplômé, sans que l’on sache vraiment ce que signifie cette expression, si ce n’est qu’elle indique une sortie de route de la société démocratique. Assurément, Donald Trump fait des émules en France. Pourtant, la formule qui revient le plus souvent dans les 276 paragraphes de la décision des sages est « sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires ». La forme, le cavalier législatif, a évité aux neuf sages, nommés par le pouvoir politique, de se prononcer sur le fond des mesures. Le catalogue des horreurs – préférence nationale, remise en cause du droit du sol, de l’accès à la nationalité française, rétablissement du délit de séjour irrégulier, suppression de l’aide médicale – reste donc disponible électoralement.
La société civile engagée auprès des personnes en situation de migration, les humanistes, les experts ressortent de cette longue séquence avec amertume. À aucun moment leur expertise commune n’a été entendue, écoutée, respectée par le législateur. Les débats ont été empoisonnés, manipulés, sur fond de fausses théories, comme celle du « grand remplacement », ou encore du triptyque « immigration-insécurité-islamisme », qui n’ont pour fonction que de provoquer la confrontation au sein de la société française. Autant le dire, décision des sages ou pas, le robinet à haine continuera d’abreuver à flots continus les sillons de notre nation.
Il n’y a pas dans ces propos la moindre naïveté militante. Nous voyons la montée des intolérances et des fanatismes partout dans le monde. Le respect des lois de la République, l’égalité hommes-femmes, la laïcité, la liberté de chacun de choisir sa vie, son orientation sexuelle ne sont de fait pas en option pour ceux qui nous rejoignent.
Les associations de solidarité et, plus largement, ceux et celles, citoyens et citoyennes de ce pays, qui ont le respect de notre commune humanité, peu importe l’origine de chacun, sa langue, sa couleur de peau, sa religion, doivent s’unir autour de deux principes : la loi doit servir le bien commun ; la France n’est pas une nation ethnique. Sur ces bases, disputer la question migratoire est légitime.
Rappelons que, selon le président de la République, il y a 120 000 personnes en hébergement d’urgence qui attendent une régularisation. Elles sont sur notre territoire avec leurs enfants depuis des années et aucun gouvernement issu de l’axe républicain ne les renverra au petit matin. Une fois de plus, cette loi ne résoudra qu’à l’extrême marge les problèmes que nous affrontons quotidiennement. C’est pour le moins navrant !