Mais c’est une autre histoire que je voudrais vous raconter. Je voudrais vous parler de ces 8 jeunes malgaches super gentils, super humbles, qui ont conçu et produit une main bionique pour les handicapés.
Vous allez me dire : ok, mais la NASA l’a déjà fait.
Oui. Oui mais bon. Parmi ces 8 jeunes, 6 ne connaissaient rien à l’électronique et étaient échec scolaire.Et puis le projet n’a coûté que 130 euros. 130 euros. Une main bionique. Elle a été conçu et réalisé en moins de trois mois par ces jeunes malgaches dont personne ne sait vraiment où se trouve leur île.
La main bionique n’est pas sortie de leur cerveau. Elle est née dans un Fablab. C’est à dire un de ces lieux inventés par le MIT, où l’on peut créer des tas de chose innovantes avec des outils modernes de base.
Le Fablab solidaire Mamiratra, à Antanarivo, à Madagascar, a été créé en 2015. En fait, durant deux ans, il ne s’est presque rien passé. La fondation Orange commençait d’ailleurs à s’inquiéter. Mais il fallait ce temps là. Il fallait prendre le temps d’installer ce lieu d’innovation improbable dans un environnement d’une extrême pauvreté.
Cette année, ce fablab que tout monde avait presque remisé aux oubliettes, a surpris tout le monde. Et n’a pas fini de le faire.
Il y a trois mois, le Fablab malgache a décidé de participer à la compétition lancée chaque année par Orange. Cette compétition s’appelle “I Make 4 My City”. Ce qui veut dire, en gros : “Je fabrique pour ma ville”. Et le thème de cette année, c’était le sport. “On a brainstormé pendant un mois pour trouver une idée”, raconte Yves-Eric, 25 ans, ingénieur, l’un des initiateurs du projet.
L’idée c’était de créer une main bionique pour jouer à la pétanque quand on n’a pas de bras, ou pas de main. Rien que ça. Le genre de trucs sur lesquels travaillent la Nasa à coups de millions de dollars. Et avec les meilleurs ingénieursL
Il faut savoir que la pétanque, c’est un peu le sport national à Madagascar. Les malgaches sont même devenus les meilleurs pétanqueurs du monde. Je le dis parce que suis marseillais et que, bon, je comprends les Malgaches. C’est un sport de dignité. Quand mon grand-père jouait, il bloquait la rue.
La pétanque c’est la reprise de contrôle de son temps. Contre le monde. Mais passons…
“Comme c’était impossible, on a travaillé jour et nuit.”
Pas non plus le genre d’invention que tu imaginerais à Madagascar, encore moins pour permettre à des handicapés de jouer à la pétanque. Sauf que la pétanque là bas c’est super important. Presque plus qu’à Marseille.
Quand ils se sont mis enfin mis d’accord sur leur idée. Il ne leur restait évidemment que deux mois avant le vote du jury. Enorme pression ! Imaginez : à part Andrianjafy, informaticien de 35 ans et Yves-Eric, personne ne connaissait rien à la robotique. C’était juste impossible.
Yves-Eric confirme en souriant : “C’était impossible, oui”.
Mais il ajoute : “Alors comme c’était impossible, on a travaillé jour et nuit.”
9000 heures de travail. Pour apprendre d’abord, puis fabriquer. Les 6 jeunes de l’équipe, dont une fille, avaient 22 ans. Tous en décrochage scolaire, ils ont été formés aux joies de l’électronique sur le tas. Pas le choix. Il restait deux mois.
En deux mois, le prototype qu’ils ont produit est juste incroyable. Au début, il fonctionnait grâce aux batteries des téléphones d’Yves-Eric et d’Andrianjafy.
Toutes les autres pièces de cette main articulée ont été imprimées avec une imprimante 3D. Mais ce n’est pas juste une prothèse. C’est une main intelligente. Qui sait jouer à la pétanque.
Si vous connaissez la pétanque, vous savez peut-être que tirer ou pointer ce n’est pas du tout la même chose. La main bionique a donc deux positions : tirer ou pointer. Que l’on choisit d’abord sur ce boitier en bois.
Ensuite, des algorithmes permettent de déterminer l’angle et la vitesse en fonction de ce que l’on veut faire. Pour que la main lâche la boule au bon moment.
Parce que la main dispose de capteurs, qui déclenchent la fermeture des doigts autour de la boule quand on la met dans la main. Et elle se libère automatiquement quand on la lance. D’où l’importance des algorithmes. Il y a visiblement encore des réglages à faire sur ce point.
Mais bon. Tout ça en trois mois. Avec des trucs de récupération, de la résine imprimée en 3D, et du bois découpé au laser.
Et 130€ donc. Une main bionique. Demandez à la NASA combien ça a coûté. Forcément, la leur est beaucoup plus perfectionnée. Mais là, ça marche. Ça permet de jouer au sport national. A Madagascar c’est déjà énorme.