« SOS Préjugés ! » Ou comment tenter de dompter ces préjugés, stéréotypes et biais cognitifs qui nous affectent tous

Ils sont nichés dans notre inconscient depuis notre enfance. Quand ils servent à nous protéger, on a tendance à parler d’instinct. Quand ils nous mettent dans des situations embarrassantes, on les qualifie de préjugés. Partagés par un grand nombre, ils peuvent conduire à ce véritables catastrophes humaines. Pour autant, comme le rappelle Etienne Allais dans son essai, « SOS Préjugés ! », ils font partie de nous, de nos mécanismes de survie, de la structure de notre cerveau. L’important est d’en prendre conscience et de tenter de les apprivoiser.

Ancien dirigeant de SOS racisme, Etienne Allais a crée une société coopérative qui accompagne les entreprises, les collectivités et les organisations dans leurs actions de lutte contre les discriminations et dans le management de la diversité.

Note de lecture par Pascal Ménigoz

Personne n’est à l’abri des préjugés. A la base, c’est même le fonctionnement normal de cette partie de notre cerveau qui nous aide à trier et à « automatiser » les informations utiles. Plus de 90 % de nos décisions quotidiennes sont ainsi issues de biais inconscients.

A partir de ce constat fondé scientifiquement et décrit plus avant dans le livre, le lecteur de SOS préjugés ! peut se laisser entraîner sans réticences dans la démonstration pédagogique d’Etienne Allais. Il sait qu’on ne lui fera pas la morale.

D’autant que l’auteur, ancien dirigeant de SOS Racisme n’hésite pas à raconter d’emblée cette anecdote personnelle perturbante qui l’a vu s’adresser à un homme noir, en costume à l’entrée d’un magasin…pensant s’adresser à un vigile…

Biais cognitifs, préjugés, stéréotypes, clichés inconscients sont notre lot quotidien à tous. Le problème qui nous est posé, c’est d’apprendre à les dompter.

Etienne Allais a beau citer Einstein disant qu’« il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé », il va tout au long de sa démonstration imagée s’atteler à nous convaincre que c’est possible et que, surtout, c’est nécéssaire  tant les préjugés peuvent avoir des conséquences dans la vie sociale.

Pas à pas, il va déconstruire les stéréotypes et les préjugés  qui encombrent encore notre actualité comme les préjugés raciaux qui s’avèrent bien fragiles voire versatiles quand on porte sur eux un regard historique. Des stéréotypes qui font commettre bien des erreurs de jugement. Les Croisés se pensaient supérieurs aux Arabes ? Se souvient-on du regard des intellectuels arabes sur les Croisés à une époque ou l’Islam était rayonnant, bien en avance intellectuellement et technologiquement sur l’occident chrétien incapable, au moyen-âge, de cultiver le blé aussi efficacement que ne le faisait les Romains ?

Quelques siècle plus tard, c’est « la tentation de la supériorité » selon l‘intitulé d’un des chapitres du livre qui va  être à l’origine des théories racialistes aux conséquences historiques délétères que l’on sait et dont certains aujourd’hui encore n’ont pas réussi à se départir malgré les démonstrations scientifiques de leur inanité.  Au delà des différences physiques, nous avons tous le même cerveau.

Un peu plus tôt, c’est la noblesse, persuadée de la supériorité de la pureté de son « sang bleu » sur le sang forcément impur du peuple, qui va apprendre à ses dépens que ses « certitudes » n’était qu’un stéréotype cultivé trop longtemps.

A ce propos, on pourrait suggérer à l’auteur d’interroger un préjugé qui frappe la « Marseillaise ». Beaucoup, notamment parmi les jeunes voient dans la dernière phrase du refrain « qu’un sang impur abreuve nos sillons », l’expression d’une « violente xénophobie ». Quelques historiens ont fait depuis l’hypothèse que ce « sang impur » était plus probablement celui du « peuple » prêt à verser son propre sang pour la patrie…La débat n’a pas lieu d’être pour les tenants de l’histoire traditionnelle mais la querelle d’interprétation peut à tout le moins représenter un exercice pédagogique intéressant sur l’effet d’un biais cognitif.`

Pour revenir au propos de l’auteur, il consacre bien sûr une bonne place aux moyens de dompter nos préjugés. Etienne Allais rappelle qu’il faut commencer par les accepter et savoir qu’il sont difficiles à éradiquer, qu’on n’est jamais complètement l’abri d’un retour intempestif.

Deux mots clés apparaissent. L’éducation et l’écoute.  

L’éducation qui permet de dépasser nos propres biais en faisant travailler cette partie du cerveau qui nous permet de capitaliser notre expérience et d’améliorer encore et encore nos connaissances et donc de surmonter nos propres préjugés

L’écoute qui permet de faire face aux préjugés des autres. On le sait, il est très difficile de débattre ou de contrer des préjugés. L’actualité nous le montre tous les jours, il est presque impossible d’argumenter avec ceux que l’on appelle les « complotistes ». Mais ce « presque » tient à une chose, la capacité d’écoute. Montrer de l’attention, c’est mettre l’autre en confiance et créer potentiellement l’espace pour échanger contradictoirement

PM

SOS Préjugés !  Par Etienne Allais, éditions L’Harmattan (14,50 €)