Seine-Saint-Denis : des enseignants en grève réclament plus de profs, pas moins d’élèves

En principe, cette réforme vise à dédoubler en REP+ (c’est à dire dans les zones faisant partie du réseau d’éducation prioritaire) les classes de CP (puis, à la rentrée 2018, celles de CE1 et également dans les REP «de base»), afin qu’il y ait 12 élèves par classe et qu’ils puissent apprendre la lecture et les mathématiques dans de meilleures conditions. Une mesure phare du programme d’Emmanuel Macron. Qui la justifiait ainsi : «Les difficultés qui se manifestent dès le début du primaire entravent souvent durablement les parcours des élèves. La division de la taille de classe pour les élèves qui en ont le plus besoin peut enrayer cette dynamique.» «Nous avons des études qui nous montrent que le dédoublement dans les petites classes est quelque chose d’efficace», avait ajouté fin mai le ministre Jean-Michel Blanquer, sans plus de précision. Selon l’Obs, c’est notamment sur une étude de… Thomas Piketty (qui roulait lui pour Hamon) que l’idée s’appuie, tout comme une recommandation de l’Institut Montaigne, plus à droite. Mais d’autres études contredisent le ministre : une enquête de la Direction de l’évaluation et de la prospective, relayée par France Info, conclut que la «réduction de la taille des classes des CP est, à elle seule, d’un intérêt pratiquement nul»…

«Plus de maîtres que de classes»

Sur son site, le ministère assure par ailleurs : «le dédoublement des classes de CP en REP+ ne signifie pas la suppression du dispositif « Plus de maîtres que de classes« ». Ce dispositif, qui concerne le cycle 2 (du CP au CE2), permet aux écoles d’avoir des enseignants surnuméraires qui peuvent ainsi faire travailler les élèves par petits groupes. Nadia Gherissi est l’une de ces professeurs surnuméraires dans une école d’Aulnay-sous-Bois, classée en REP+. Si le dispositif n’a pas encore été officiellement évalué – ce qui d’ailleurs agace parmi les professeurs, qui se demandent pourquoi on en change sans en avoir quantifié les effets – elle en pointe les effets positifs : «Cela s’organise autour de groupes, que je peux sortir de la classe en fonction des besoins» pour travailler sur un thème précis, «je peux aussi co-intervenir au sein de la classe : le but, c’est de travailler soit en petit groupe soit avec les enseignants pour pallier et prévenir les difficultés, avec la priorité donnée à la maîtrise de la langue et aux mathématiques», explique-t-elle. Plus de maîtres que de classes, cela permet «plusieurs choses positives : le lien pédagogique entre les collègues, qui se transmettent leurs méthodes, alors que chacun dans sa classe, on se parle moins, de meilleures conditions d’apprentissages, et au niveau pédagogique le groupe réduit est plus efficace», à condition que cela soit ponctuel et mis en place dans un but précis, estime-t-elle.

Secrétaire départementale du Sniupp 93, le syndicat majoritaire, et enseignante supplémentaire à l’école Romain-Rolland de Stains, Rachel Schneider ne dit pas autre chose : «C’est un dispositif qui profite à pratiquement toutes les classes de l’école : quand on est à deux [enseignants] dans la classe, on peut prendre du recul, mieux comprendre pourquoi telle chose marche ou pas, et à la fin de la journée, on a quelqu’un qui a travaillé avec nous dans la classe avec qui on peut analyser ce qu’on fait sur le plan pédagogique.» Un autre apport de ce dispositif, selon elle, est de permettre aux professeurs de «faire circuler les idées, les manières de faire, de créer une dynamique collective qui est très difficile à faire vivre quand on a pas de maître supplémentaire. On peut baisser les effectifs, si on n’a pas de réflexion sur notre manière [d’enseigner], je ne suis pas sûre que ça change quoi que ce soit».

Or, selon les syndicats enseignants de Seine-Saint-Denis, la direction académique a annoncé, en vue du prochain comité technique spécial départemental, où se réunissent ce vendredi la Dasen et des représentants syndicaux des enseignants, qu’elle mettrait fin à ce dispositif, qu’elle fermerait des classes (ou annulerait des ouvertures), et qu’elle diminuerait le nombre de remplaçants. Car il faut trouver deux fois plus de professeurs (et de salles) pour les CP de REP+, et ce, à budget constant.

«Il n’y a pas de lien entre la mise en place du dispositif « 100% de réussite au CP » et le travail de carte scolaire visant à accompagner la démographie. En effet, les décisions d’ouverture et de fermeture de classes ont été prises au mois de janvier : 125 ouvertures et 63 fermetures, soit une création supplémentaire de 62 classes», rétorque la Direction des services départementaux de l’académie de Créteil dans un communiqué. Et assure que le dispositif «Plus de maîtres que d’élèves» sera maintenu «à hauteur de 103 postes en éducation prioritaire», d’autant que, insiste le communiqué, 500 postes supplémentaires doivent être affectés à la rentrée dans le département.