Seine-Saint-Denis : double peine pour les collégiens des quartiers défavorisés

Le Cnesco vient de publier une étude montrant que les collèges publics des quartiers défavorisés subissent des inégalités scolaires par rapport à ceux situés dans les territoires favorisés.

C’est un travail de fourmis qui met des chiffres sur des problèmes que les enseignants de Seine-Saint-Denis dénoncent depuis des années. Le turn-over des profs, l’inexpérience de ceux nommés dans les quartiers difficiles, le recours trop fréquent aux vacataires… Le Conseil national d’évaluation du système scolaire – un organe indépendant chargé d’évaluer les politiques éducatives – a publié mercredi une étude édifiante sur les inégalités scolaires en Ile-de-France. Si les statistiques s’attardent souvent sur les données académiques ou départementales, ce panorama a travaillé à l’échelle des quartiers établis par l’Insee.

Dans chacun, le Cnesco a passé au crible 23 critères (emploi, logements, etc.) permettant de les diviser en quatre catégories : « très favorisé », « favorisé », « défavorisé » et « regroupant le plus de difficultés socio-économiques ». La première est quasi inexistante en Seine-Saint-Denis, alors que les deux dernières représentent 86,4 % des quartiers. Sur tous ces territoires, les chercheurs se sont intéressés aux profils des enseignants des 119 collèges publics. Voici ce qu’il faut en retenir dans notre département.

Des profs très jeunes. Peu importe la catégorie de quartiers où ils travaillent, les enseignants du 93 sont plus jeunes qu’ailleurs. En 2015, les moins de 30 ans représentaient ainsi 26,2 % des effectifs dans les territoires « favorisés » et 34,6 % dans ceux cumulant le plus de difficultés (contre 12,2 % à Paris dans cette dernière catégorie).

De nombreux vacataires. Plus les quartiers sont en difficultés, plus les enseignants non titulaires en équivalent temps plein sont nombreux. En 2017, ils étaient ainsi 10,7 % dans les quartiers favorisés du département, contre 15,3 % dans les territoires les plus défavorisés (soit quasiment deux fois plus qu’à Paris dans cette dernière catégorie).

Un turn-over fréquent. Les établissements de la Seine-Saint-Denis peinent à garder leurs professeurs. En 2015, seuls 15,1 % des enseignants des quartiers les plus défavorisés étaient dans leur collège depuis au moins huit ans. Un taux qui grimpe à 24,8 % dans les territoires favorisés.

Mais… des classes plus petites. C’est le seul point positif qui ressort de l’étude. Plus les territoires sont défavorisés, moins les élèves sont nombreux. Alors que l’effectif moyen des classes franciliennes s’élève à 25,6 collégiens par classe en 2017, il ne dépassait pas 22,3 élèves dans les territoires les plus en difficultés du département.

*Panorama des inégalités scolaires d’origine territoriale dans les collèges d’Île-de-France.

LP/infographie

UN PROBLÈME SANS SOLUTION… POUR L’INSTANT

« Ce n’est pas qu’une histoire de moyens. On parle aussi de qualité de moyens ! » Le 5 octobre déjà, Nathalie Mons, la présidente du Conseil national d’évaluation du système scolaire, avait évoqué à la Bourse du travail de Bobigny l’importance de nommer des professeurs expérimentés dans les territoires les plus défavorisés.

L’étude publiée mardi par son institution va-t-elle être prise en compte par le ministère de l’Education nationale ? Rue de Grenelle, on renvoie à la mission Azéma-Mathiot sur l’éducation prioritaire, lancée début octobre, qui donnera lieu à un rapport visant à préparer la probable refonte de l’éducation prioritaire à la rentrée 2020.

Le Snes-FSU 93, syndicat d’enseignants du 2nd degré, lui a déjà des pistes pour convaincre les professeurs de s’installer et de rester dans les établissements classés Réseau d’éducation prioritaire du département. « Il faudrait limiter davantage les effectifs des classes, dans l’idéal à 20, juge Grégory Thuizat, cosecrétaire départemental. Augmenter les décharges horaires pour permettre aux équipes d’organiser des projets éducatifs. Renforcer le nombre d’assistants d’éducation, mais aussi revoir la rémunération des professeurs en général, sans conditionner une partie des primes octroyées en REP à la performance des équipes. »