« Auteur de livres pour la jeunesse, Kare Bluitgen s’est mis en tête de publier une vie de Mahomet destinée aux enfants. Son initiative, a priori anecdotique, devait embraser une partie de la planète »
C’était résumer une stratégie pleine d’avenir. Depuis l’assaut contre Rushdie, elle a été reproduite à maintes reprises. Ainsi, à l’origine de la « crise des caricatures », on trouve encore un homme seul. Encore un militant de gauche, accusé de blasphème et de racisme.
Depuis l’adolescence, Kare Bluitgen, c’est son nom, se revendique même de l’extrême gauche anticolonialiste (sur ses murs trône un portrait de lui en Che Guevara). Au début des années 2000, cependant, ce militant danois a constaté l’influence des intégristes musulmans sur son quartier de Copenhague. Auteur de livres pour la jeunesse, il s’est donc mis en tête de publier une vie de Mahomet destinée aux enfants, afin de favoriser le dialogue interculturel.
Telle est l’initiative, a priori anecdotique, qui devait embraser une partie de la planète. C’est parce qu’aucun dessinateur n’a osé illustrer son livre que Bluitgen finit par en parler à un journaliste du Jyllands-Posten, le quotidien danois qui publiera les fameuses caricatures, le 30 septembre 2005. Cette fois encore, l’incendie qui s’est ensuivi a été minutieusement alimenté. Dans son livre intitulé Comment produire une crise mondiale avec douze petits dessins (Les Prairies ordinaires, 2007), l’anthropologue Jeanne Favret-Saada souligne le rôle crucial joué par quelques imams implantés au Danemark.