L’ombre macabre des suprémacistes blancs

Aux Etats-Unis, on les traite désormais comme des terroristes et il reçoivent cette désignation juridique infamante s’ils sont déferrés devant la justice. Ces nationalistes ou suprémacistes blancs ressemblent comme deux gouttes d’eau aux islamistes radicaux.

chronique d’Anthony Bellanger publiée sur lesite franceinter.fr, le 05 08 2019

« J’ai voulu revenir ce matin sur le massacre d’El Paso, au Texas qui a été officiellement qualifié de « terrorisme intérieur » par le procureur fédéral du Texas. Car il s’agit bien de cela : d’un terrorisme d’extrême-droite, ou comme le précise le New York Times ce matin : d’un « problème nationaliste blanc américain ».

Un terrorisme qui, soyons précis, a fait en 2019 et en Occident, beaucoup plus de morts que son alter-égo mortifère, l’islamisme radical. Or, comme l’islamisme radical, ce terrorisme d’extrême-droite est fortement idéologisé, au travers notamment d’internet.

Comme les islamistes radicaux, ces néo-nazis, nationalistes radicaux ou suprémacistes blancs, utilisent une logorrhée nourrie de théories complotistes et d’un texte, bien français, qu’ils ont tous lu : le fameux « Grand remplacement » de Renaud Camus.

Le Grand Remplacement, texte séminal pour ces jeunes radicalisés

Il y parle « d’invasion hispanique du Texas » qui serait en train de « remplacer les blancs américains ». Ce qui est assez comique d’ailleurs lorsqu’on que le Texas a appartenu au Mexique pour l’essentiel de son histoire moderne avant d’être rattaché aux Etats-Unis.

Comme les islamistes radicaux, qui font une allégeance moyenâgeuse à une geste lointaine et idéalisée, l’Etat islamique, le terroriste d’El Paso explique s’être inspiré du massacre de 51 musulmans en mars dernier, à Christchurch en Nouvelle Zélande.

Enfin, comme souvent les djihadistes, l’auteur des 20 morts d’El Paso est un homme jeune, il a 21 ans, fasciné par une idéologie de vieux, le salafisme dans un cas, le suprématisme blanc nourri au lait du ségrégationniste sudiste, dans l’autre.

Une cible soigneusement choisie

Le choix d’El Paso est effectivement un manifeste en soi et la preuve, selon ce terroriste, de ce fameux grand remplacement : la ville est à 80% hispanique. Ce qui est d’une logique implacable puisque qu’elle se situe sur la frontière mexicaine exactement.

Le fameux fleuve Rio Grande sépare en fait non seulement les deux pays mais ces deux villes jumelles que sont El Paso et Cuidad Juárez et son million et demi d’habitants, presque trois fois plus que sa petite sœur étasunienne.

Jusqu’au choix de l’hypermarché Walmart : une destination touristique et commerciale de choix pour les Mexicains lorsqu’ils séjournent à El Paso. Enfin, s’il fallait une preuve de ce choix minutieux de cible, il suffit de s’intéresser à son parcours :

Pour se rendre sur place, il a dû rouler plus de 9h depuis la banlieue de Dallas, où il habite, jusqu’à El Paso. Enfin, il y a une certaine ironie macabre à avoir ouvert le feu dans un Walmart : Walmart c’est le plus gros vendeur d’armes des Etats-Unis !

Un nationalisme radical ancré dans le « nouveau monde » anglo-saxon

Une idéologie nationaliste blanche plutôt qui est profondément ancré dans le « nouveau-monde » anglo-saxon – Etats-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande. Des pays qui n’ont pas souffert des destructions et de l’horreur nazies, où les armes sont souvent disponibles et où le problème migratoire est constitutif de leur histoire.

C’est d’ailleurs dans ces trois pays qu’on retrouve les pires massacres de ces dernières années : contre des Noirs, comme en 2015 à Charleston, contre des Juifs à Pittsburgh en 2011, contre les musulmans à Christchurch en mars et donc contre les Hispaniques hier.

J’ajouterais tout de même que l’Europe est loin d’être épargnée : tous ces suprémacistes blancs et autres néo-nazis sont communément inspirés par Anders Breivik et le massacre en juillet 2011, de 69 jeunes militants travaillistes sur l’île d’Utoya en Norvège.