En quoi le nouveau « vade-mecum de la laïcité à l’école », que L’Express s’est procuré, et qui sera distribué dès le 30 mai à tous les chefs d’établissements et enseignants, diffère-t-il du livret élaboré sous Najat Vallaud-Belkacem ? « C’est une version plus développée, plus pratique et aussi peut-être plus… volontariste », répond, après avoir longuement cherché le mot juste, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, dans un grand entretien qu’il a accordé à l’Express cette semaine. Cet opus de 83 pages – contre 32 pages pour le précédent – n’ignore rien des situations auxquelles les enseignants peuvent être confrontés au quotidien et il rappelle en détails les textes législatifs et jurisprudences en vigueur. Inflexion notable : l’accent est davantage mis sur les sanctions encourues. « Le livret laïcité insistait beaucoup – et à juste titre – sur la prévention. Mais cela donnait l’impression que cette dernière était l’alpha et l’oméga de ce qu’il fallait entreprendre pour veiller à la laïcité, explique Jean-Michel Blanquer. Or, tous les problèmes ne peuvent être traités en amont. Il faut aussi apporter des réponses, expliquer et sanctionner si besoin. »
Article exclusif publié par l’express le 29 05 2018
Le document insiste notamment mis sur :
– Les certificats médicaux dits « de complaisance ».
C’est sans aucun doute l’un des passages les plus sensibles du recueil. Il revient sur ces certificats médicaux brandis par des filles qui, pour des raisons religieuses, ne veulent pas avoir à s’afficher en maillots de bain lors des cours de natation ou en simples tenues de gym. Au personnel de l’Education nationale qui se sentait jusqu’ici « impuissant » face à ce nouveau stratagème de contournement, le fascicule délivre une réponse ferme et totalement nouvelle : « Un absentéisme sélectif pour des raisons religieuses ne saurait être accepté. En éducation physique et sportive, les certificats médicaux – qui pourraient apparaître de complaisance – doivent être soumis au contrôle du médecin scolaire académique ». En clair, en cas de soupçons, l’avis d’un deuxième docteur pourra être demandé. Voilà qui ne manquera pas de faire réagir le monde médical.
– Les agents qui refusent de serrer la main d’un(e) collègue ou d’un usager.
Dans un « focus » sur « le refus des règles minimales de civilité dans le cadre scolaire », le vade-mecum évoque, là encore pour la première fois, cet exemple très précis, remonté via les nouvelles cellules académiques récemment mises en place. Une allusion à ces fonctionnaires qui, au nom de leurs convictions religieuses, refusent le moindre contact physique, avec une femme. Et le texte de citer le cadre légal : « Nul ne peut se prévaloir de sa religion ou de ses convictions pour porter atteinte à l’égalité entre les femmes et les hommes ». Et d’insister : « Par ailleurs, le refus d’être placé sous l’autorité hiérarchique d’une personne de l’autre sexe constitue un refus d’obéissance caractérisée. »
– L’éducation à la sexualité.
Le nouveau livret a jugé bon de rappeler que celle-ci fait partie des apprentissages obligatoires : « Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène. Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. » Prévue par la loi depuis 2001, cette éducation à la sexualité en milieu scolaire, reste très souvent insuffisante, quand elle n’est pas carrément passée sous silence par les enseignants ou contestée par les élèves ou les parents. Voilà sans doute pourquoi les rédacteurs du livret ont-ils jugé bon d’y revenir en y consacrant une page entière.