A l’occasion de la journée mondiale des Réfugiés, l’association UniR alerte sur les difficultés rencontrées par les femmes exilées pour accéder à l’enseignement supérieur. Rania nous raconte son long parcours jusqu’à l’obtention de sa licence en France.
article par Emmanuelle Hunzinger publié sur le site france3-regions.francetvinfo.fr , le 20 06 2020
La Syrie, Rania Titi l’a quittée il y a déjà 7 ans. Un pays ravagé par la guerre civile. En 2015, cette architecte quitte Damas pour rejoindre la France. C’est un parcours du combattant qui l’attend pour reprendre ses études en tant que réfugiée, femme, ne parlant pas le Français.
« Avoir un diplôme français pour travailler ici. Seule façon de m’en sortir. Rania Titi »
« Je suis architecte de formation. J’ai 40 ans. J’ai travaillé pendant des années comme fonctionnaire au bureau de l’architecture du ministère de l’Enseignement supérieur de Damas. Quand je suis arrivée, étant anglophone, je ne parlais pas un mot de Français. La première difficulté a été la langue. Je voulais reprendre mes études, m’inscrire à l’université. Avoir un diplôme français pour travailler ici. Seule façon de m’en sortir », explique Rania Titi.
La barrière de la langue
Rania a été accompagnée par l’association UniR -Universités & Réfugié.e.s à Paris qui a pour mission d’accompagner les personnes réfugiées ou demandeuses d’asile pour leur insertion académique et socio-professionnelle. « Une des premières barrières pour accéder aux études supérieures est bien sûr la maîtrise du Français », explique Camila Rios Armas, Fondatrice et Directrice d’UniR.
» La grande difficulté pour les exilés, c’est d’apprendre le Français. En 2015, il y avait peu d’organismes. J’ai suivi des cours donnés par la Croix-Rouge Française », confirme Rania.
Des cours qu’elle va suivre tout en cherchant un logement et un travail pour survivre. « En tant que réfugiée, sans revenu, sans fiche de paie, impossible d’avoir un logement. Les associations, le 115, m’ont permis de me loger. Je vous raconte ma vie en quelques phrases, mais cela a été un long parcours compliqué, fait de souffrances », livre-t-elle. « J’ai fait des petits boulots, à Monoprix ou dans les maisons de retraite. C’était difficile de tout concilier. Mais je ne voulais pas lâcher mes études. Je voulais être diplomée pour commencer une nouvelle vie », confine Rania Titi.
« Les pouvoirs publics ne prennent pas en comptent l’ensemble des facteurs « . Camila Rios Armas
L’association UniR a accompagné Rania dans ses démarches pour reprendre ses études. « Les fac acceptent d’inscrire les réfugiés mais ce qui est dur, c’est avant. S’inscrire, remplir des dossiers sur internet… Sans l’association, je n’y serai pas arrivée », explique Rania.
Les freins pour accéder à l’enseignement supérieur sont multiples : barrière de la langue, difficultés administratives, manque d’accès aux réseaux professionnels, méconnaissance des droits, l’ âge et le sexe des exilés. Des « handicaps » qui se cumulent. « Nous parlons d’intersectionnalité » explique Camila Rios Armas. « Les freins pour accéder à l’enseignement supérieur, ce n’est pas seulement le fait d’être réfugiée mais d’être une exilée, femme, étudiante. Il y a des associations pour les réfugiés. Il y a des associations pour les étudiants. Pour les femmes également mais c’est un tout. Les pouvoirs publics ne prennent pas en compte l’ensemble des facteurs » dénonce l’association UniR. En France 40% des réfugiés sont des femmes et en Ile-de-France, 18% des femmes migrantes ont un niveau bac selon l’association.
« Etre une femme réfugiée, célibataire, étudiante de plus de 30 ans… On cumule. Par exemple, après l’âge de 25 ans, nous n’avons plus d’aides, nous ne pouvons plus accéder au Crous et au logement étudiant. En tant que célibataire, l’accès au logement est plus compliqué que pour une famille », souligne Rania.
Le dispositif Intercultur’elles
UniR vient de mettre en place un dispositif de parrainage. « Intercultur’elles » est destiné aux femmes. On met en relation des réfugiées avec des femmes actives insérées dans la vie professionnelle. Pendant 6 mois, neuf exilées vont être épaulées par leur marraine, bénéficier de conseils, de suivi, de formation », explique la directrice d’UniR.
Rania fait partie de ce dispositif. « Je suis en relation avec une professeure d’Anglais à l’université de Cergy-Pontoise. Elle m’a aidé à passer mes examens et peut-être pourra t-elle m’aider à tisser des liens dans le monde du travail ? », espère Rania Titi.
Au bout de 3 ans d’études, elle vient tout juste d’obtenir sa licence de Langues Etrangères Appliquées Arabe/Anglais. « Je vais m’inscrire en Master. En même temps je souhaiterais travailler comme traductrice juridique Anglais/Arabe mais c’est encore compliqué car il faut avoir un réseau », avoue t-elle.
A l’occasion de la journée mondiale des Réfugiés ce samedi 20 juin, UniR souhaite sensibiliser et alerter sur les besoins spécifiques des femmes exilées pour améliorer leur insertion économique. Un webinair est organisé aujourd’hui pour présenter leur travail de recherches intitulé Défi des femmes réfugiées dans l’accès à l’enseignement supérieur en IDF.
Emmanuelle Hunzinger