La fraternité, parent pauvre mais endurant du triptyque républicain

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Dialogue entre Emmanuel Levinas et Paul Ricoeur dans « Le Bon plaisir » le 9/03/1985 sur France Culture

Pourtant, la fraternité est restée depuis 1848 le parent pauvre de notre triptyque républicain. Parce qu’elle n’est pas contraignante au plan juridique, mais aussi parce que le terme reste polysémique. Au risque que le discours politique, qui n’a jamais réellement cessé de s’en saisir depuis la Seconde guerre mondiale, ne banalise le mot “fraternité”.

Car en politique, la fraternité semble de prime abord d’autant plus rentable qu’elle n’engage pas à grand chose. Incantatoire et consensuel, le mot peut se retrouver d’un bout à l’autre de l’échiquier. Pour preuve, dans les archives radiophoniques, on découvre qu’en 1943, à quelques jours d’écart, s’en emparent dans des adresses à la populations pour les fêtes de fin d’année aussi bien Charles de Gaulle… que Philippe Pétain.

En 2002 aussi, l’emploi du terme “fraternité” fera l’objet d’un grand écart : on retrouve le mot sur deux affiches de la campagne présidentielle, chez Christiane Taubira… et chez Bruno Mégret. Car la fraternité n’est ni de droite ni de gauche. Dans un sondage publié en 2010, la Sofres interrogeait les Français sur leur attachement aux valeurs républicaines. Loin derrière la liberté (47%) et l’égalité (36%), 14% des Français plaçaient la fraternité en tête. Mais avec exactement la même proportion de réponse chez les sympathisants de droite que de gauche.