La fraternité, parent pauvre mais endurant du triptyque républicain

Oiseaux, cœurs, bambins et bouquets

Dans son Dictionnaire de la Révolution Française, l’historienne Mona Ozouf, spécialiste de la période, écrit ceci :

“Sa puissante charge affective, que souligne une iconographie pleine d’oiseaux, de cœurs, de bambins, de baisers, de bouquets, dispense de la préciser davantage, empêche de lui attacher une revendication et de prévoir une sanction aux manquements qui pourraient lui être faits.”

C’est seulement en 1848 que la fraternité est vraiment consacré dans les textes, avec la Constitution de 1848. C’est à ce moment-là que la devise républicaine s’ancre véritablement. Cette revalorisation en 1848 n’est pas anodine car elle va de pair avec un programme politique : on peut dire que la fraternité tient lieu de charpente à un programme de gouvernement à ce moment-là. D’ailleurs, une circulaire gouvernementale stipule alors : La fraternité, c’est la loi de l’amour. Abstrait ? Seront pourtant actés dans la foulée l’impôt sur la fortune, les débuts du suffrage universel, l’éducation gratuite pour tous ou l’abolition de l’esclavage dans les colonies. Sans oublier une politique d’aide sociale.

En 1848, on signe volontiers sa correspondance des termes “Salut et fraternité”, comme le rappelait Jean-Noël Jeanneney dans son émission “Concordance des temps” consacrée à la fraternité en 1848. C’était le 24 mars 2007 sur France Culture, avec l’historienne Anne-Claude Ambroise-Rendu comme invitée :

A partir de 1848, la devise républicaine ne bougera plus. La Troisième république, qui tend à préférer le terme de “solidarité” à celui de “fraternité”, ne remet pas en cause la place du mot au Panthéon républicain. Et en 1958, le triptyque figure même à l’article 2 de la Constitution, signe que liberté ; égalité ; fraternité” sont indissociables de la souveraineté-même.

Pourtant, parce que la notion est un peu floue, assez évanescente pour ne pas créer d’obligation juridique, la fraternité ne s’imposera pas comme une valeur contraignante. Restant plutôt synonyme d’un horizon bienveillant un peu gratuit. Dans son essai de 2009, Le moment fraternité, Régis Debray disait ceci de la fraternité :