REPORTAGE – Passé l’étonnement provoqué par leur arrivée, les habitants de cette cité balnéaire de Loire-Atlantique apportent leur aide à ces 88 réfugiés, rescapés de la chute de Kaboul
article par Thibault Dumas publié sur le site lefigaro.fr le 03 09 2021
C’est un petit bout d’Afghanistan niché en Loire-Atlantique, à 1 kilomètre de l’océan, au bout d’une allée pavillonnaire. De hauts murs, desquels dépassent deux voiles sombres sous lesquels brillent des regards curieux. Des enfants qui jouent derrière une grille, du linge qui sèche sous le soleil de septembre. Dans ce centre de vacances de Piriac-sur-Mer, propriété de la Fédération des œuvres laïques (FOL), on ne trouve plus de vacanciers mais 88 réfugiés Afghans et Afghanes: 78 adultes âgés en moyenne de 35 ans, 10 enfants. Arrivés là le 26 août, ils y resteront un mois, le temps de faire leur demande d’asile à l’Ofpra.
«C’est un sas d’accueil, de repos et de décompression indispensable pour eux. Avec une prise en charge administrative, médicale et sociale. Les séquelles n’apparaissent pas tout de suite», explique Conception Mousseau-Fernandez, directrice régionale de l’association France Horizon, qui les prend en charge pour le compte de la préfecture de Loire-Atlantique.
Isolés pour sept jours en raison du Covid, aucun de ces réfugiés n’a encore vu la mer ni les marais salants. Mais l’enfermement est tout relatif et les nouveaux habitants du centre descendent régulièrement dans la rue pour fumer une cigarette. «Je suis tellement content d’être ici, je veux rester en France», fait comprendre un quinquagénaire dans un anglais haché. Rapidement, une douzaine d’hommes le rejoignent pour s’en griller une, marmonnant des chants, blaguant avec les membres des associations.
«On a eu de la chance. L’ambassade de France a convenu d’un point de récupération ailleurs en ville puis nous a mis dans un avion pour Abu Dhabi, puis Paris, pour arriver en bus ici. En 48 heures.» Mohamed-Omer Aiuby, réfugié de 29 ans
En Afghanistan, la plupart d’entre eux exerçaient comme enseignants, interprètes, chercheurs, etc. On croise même un sportif de haut niveau. Tous «directement menacés de par leur profession liée à des Français ou des étrangers», précise Conception Mousseau-Fernandez. Une majorité des 88 réfugies veut s’installer dans l’Hexagone, plutôt dans la région ou à Paris. Trois familles comptent rejoindre des proches en Allemagne et en Finlande.
Mohamed-Omer Aiuby, 29 ans, a fui avec sa femme et la famille de cette dernière. Travaillant à Kaboul dans le digital pour l’UNDP (Programme des Nations unies pour le développement), il n’a pourtant «rien vu venir. Alors que la violence montait, je me suis retrouvé sur une liste de personnes recherchées par les talibans». Drapeau français en main, lui et ses proches tentent de monter à bord de leur vol d’évacuation, mais se retrouvent acculés dans le chaos de l’aéroport de Kaboul. «On a eu de la chance. L’ambassade de France a convenu d’un point de récupération ailleurs en ville puis nous a mis dans un avion pour Abu Dhabi, puis Paris, pour arriver en bus ici. En 48 heures», raconte Mohamed-Omer dans un anglais impeccable. Ni sa mère ni sa sœur n’ont réussi à quitter Kaboul. Tout comme 60 compatriotes qui devaient être accueillis près d’Angers. Leur avion n’a pas décollé.
«On se met à leur place»
Juste en face du centre, un couple de voisins observe les va-et-vient des nouveaux venus. «On se met à leur place… Ça se passe bien pour le moment, observe Marie-Claude. Après, c’est une toute petite commune, ici, ce n’est pas du tout fait pour eux. Et puis on n’a pas été prévenus de leur arrivée par la mairie», regrette-t-elle. «La préfecture ne nous a pas demandé notre avis», se dédouane le premier adjoint, Loïc Chesnel. «Nous sommes ouverts à l’accueil des réfugiés. Nous aurions certainement pu accueillir quatre, cinq, six familles, pas 88 personnes d’un coup, comme ça», poursuit l’élu. L’hiver dernier, 115 migrants, originaires d’Afrique subsaharienne, avaient été accueillis dans un autre centre de vacances piriacais, suscitant une polémique locale.
Les associations croulent sous «les dons de vêtements et de nourriture qui viennent de toute la presqu’île guérandaise», note Conception Mousseau-Fernandez. Car les Afghans sont partis sans valises, pour ne pas éveiller les soupçons. Alors, une collecte permanente s’organise avec l’antenne locale Secours populaire, qui publie régulièrement des listes précises des besoins. «Aujourd’hui, des chargeurs de téléphone, principalement. Nous anticipons aussi des besoins à venir pour les produits d’hygiène», précise Danielle Alexandre, secrétaire générale du Secours populaire de Loire-Atlantique.
Mohamed-Omer Aiuby commence déjà à apprendre le français. «Je veux terminer mon master ici et travailler pour rendre à la France ce qu’elle m’a donné. Après, dans quelques années, je retournerai en Afghanistan pour aider mon pays.» Une quarantaine d’autres réfugiés doivent arriver, à Nantes cette fois, dans les jours qui viennent.