Débat : « L’emmurement du monde disloque de l’intérieur les sociétés »

S’imaginer que la majorité de l’humanité va rester sur le seuil du magasin de la globalisation, qu’on lui interdit de franchir, sans défoncer sa porte et faire voler en éclat sa vitrine relève de l’irénisme.

Vue du mur de Berlin, 1986. Bethaniendamm, Berlin-Kreuzberg. Thierry NoirCC BY-NC-ND
En deuxième lieu, l’endiguement des barbares corrompt de l’intérieur la cité qu’il prétend protéger. Il implique des régimes juridiques dérogatoires au détriment des étrangers, assimilés à des ennemis. Ces législations progressivement s’étendent aux citoyens eux-mêmes, instaurent des états d’exception qui deviennent des États d’exception, et banalisent une abjection d’État, laquelle s’institutionnalise en États d’abjection.

La « servitude volontaire »

Au nom de la lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine, les libertés publiques sont de plus en plus menacées dans les pays occidentaux ; le droit d’asile et le droit de la mer sont bafoués ; la politique de refoulement de l’Union européenne provoque chaque année plus de morts en Méditerranée et dans le Sahara que trois décennies de guerre civile en Irlande du Nord ; les États-Unis séparent les enfants de leurs parents en attendant la construction de la barrière anti-latinos sur leur frontière avec le Mexique ; Israël a perdu toute mesure dans le containment des Palestiniens ou l’expulsion des Africains. Or, cet État d’abjection reçoit l’onction du suffrage universel et peut se réclamer d’une légitimité démocratique. Avec et derrière les murs prospère la « servitude volontaire ».