Comment s’est faite votre rencontre avec Mohamed ?
Claire Robiche : Nous nous sommes rencontrés par hasard, par l’intermédiaire de connaissances communes. Nous avons sympathisé et, au fil du temps, nous avons tissé des liens lui permettant de me faire assez confiance pour me raconter son histoire. Même si, comme beaucoup, j’ai été touchée par les évènements récents en France et que je me posais des questions à ce sujet, je ne cherchais pas particulièrement à travailler sur le jihadisme et le terrorisme. C’est cette rencontre qui a réveillé mon intérêt.
C.R: Nos échanges se sont très bien passés. J’ai enregistré deux entretiens d’une durée de 4 heures au total. Comme il a « décroché » il y a un certain nombre d’années, on sent qu’il a longuement réfléchi à tout cela et qu’aujourd’hui il a assez de recul pour analyser ce processus d’embrigadement, ses causes, ses objectifs et les intérêts qu’il sert. Par conséquent, il en parle assez librement, en restant prudent malgré tout. Selon moi, il est porteur d’un vécu qui doit être entendu, pour donner à penser autrement que sous le coup de l’émotion et des affects, surtout à l’heure actuelle, où l’emballement médiatique empêche toute réflexion. Nous devons essayer de comprendre, car comme l’a dit le philosophe Alain Badiou dans sa conférence « Penser les meurtres de masse », donnée juste après les attentats du 13 novembre 2015, « rien de ce que font les hommes n’est inintelligible. (…) La déclaration de l’impensable, c’est toujours une défaite de la pensée. »