Catherine Kintzler : « la laïcité a produit plus de libertés que ne l’a fait aucune religion »

(…) Revue des Deux Mondes – La liberté passe aussi par l’école. Vous êtes, vous-même, spécialiste de Condorcet. Quelle est la place de l’école dans le dispositif laïque ?

Catherine Kintzler – L’école publique primaire et secondaire est soustraite à l’espace civilordinaire parce qu’elle fait partie des dispositifs constitutifs de la liberté, parce qu’elle accueille des libertés en voie de constitution. On ne vient pas à l’école pour « consommer » un service : on y vient pour construire sa propre liberté. Et pour cela on a besoin d’un espace critique commun, d’un moment de détour, de retrait et de doute. Voilà pourquoi les élèves ne sont pas des usagers.

« Il faut passer par la crise, une mise à distance de ce que l’on croit penser, de ce que l’on croit être ; c’est nécessaire pour tout le monde, aussi bien pour l’enfant du médecin ou du cadre que pour celui de l’ouvrier ou du paysan, celui du chômeur. »

Ce n’est pas en faisant défiler les différentes positions devant les élèves qu’on arrive à construire quoi que ce soit, ni en leur disant « il y a différentes communautés et chaque communauté fait ce qu’elle veut, c’est toujours respectable ». Parce qu’alors, chacun reste campé sur son appartenance – à supposer qu’il en ait une.