Caricatures, Islam et musulmans en France : entretien avec Ghaleb Bencheikh

Aussi étonnant que cela puisse l’être, il n’y a pas de communautarisme des musulmans en France. S’il s’agit des accoutrements improbables, des comportements inacceptables, des discours intolérables, oui, cela existe et ça fait beaucoup de mal aux Français musulmans eux-mêmes et au reste des Français. Mais la communauté musulmane est la plus désorganisée, la plus désunie et elle n’est pas communautariste au sens qu’on entend, alors que d’autres types de communautarismes existent bel et bien dans la République. Donc du coup, on a compris que ce n’est pas le bon mot qu’il faut utiliser et on est passé au séparatisme. Mais même ce terme commence à poser problème, parce qu’on a parlé longtemps de séparatisme de territoire. Il y avait le séparatisme breton, corse, basque… En réalité, il y a des individus mus par une idéologie salafiste qui pensent que les lois religieuses priment les lois de la République. Ils ne reconnaissent pas la loi fondamentale qu’est la Constitution. Alors, pouvoir consolider le principe de laïcité, oui. N’oublions pas que la loi de 1905 n’est pas une loi de laïcité mais une loi de Séparation, la nuance est de taille. S’il faut elle-même l’amender, pourquoi pas, s’il faut une autre, pourquoi pas aussi. Simplement, il faut qu’on sache de quoi on parle au juste.

Qu’est-ce qu’il faut selon vous pour structurer l’Islam en France ?

Il faut d’abord dire qu’on a un paradoxe qu’il faut rompre : on demande à l’État français de ne pas se mêler de l’organisation des cultes, en même temps on s’accommode de l’ingérence de puissances étrangères autocratiques. Même si cela paraît irréalisable pour l’instant, je pense qu’il faut que de l’intérieur de la composante islamique, on suscite l’adhésion autour d’hommes et de femmes probes, intègres, sérieux et ayant une connaissance fine de la question religieuse, de la bonne communication, de la liberté de ton et de parole et qui jouissent du respect des fidèles musulmans, afin d’être les interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics et en finir par exemple avec la présidence tournante du CFCM. Un coup on fait plaisir au Maroc, un coup à l’Algérie ou à la Turquie. Cela explique la désaffection de la jeunesse musulmane qui est restée comme une proie facile à des sermonnaires et des prédicateurs qui viennent de l’étranger.