Selon le correspondant du Monde sur place, la situation à la frontière est toujours plus dramatique. Extraits : « La première semaine de décembre, les températures nocturnes dans la région sont tombées en dessous de – 10 °C. Il fait nuit noire à 16 heures. Le bilan officiel d’une vingtaine de morts est largement sous évalué selon les activistes, et les populations locales relatent régulièrement de macabres histoires de corps aperçus en forêts ou dans les marécages » (…) Farhad Mohammed, un Kurde Irakien de 34 ans, joint par téléphone, se trouve dans le principal hangar mis à disposition par les autorités biélorusses à Bruzgi, à deux kilomètres de la frontière. Mille personnes environ s’y entassent. « Actuellement, nous attendons tous une bonne nouvelle venant de l’Union européenne, qu’ils nous autorisent à rentrer », affirme-t-il. Un espoir entretenu par les services biélorusses, qui recrutent régulièrement de nouveaux candidats aux tentatives de passages en force, leur promettant de l’aide.
« Nous nous préparons à ce que cette crise s’étende dans la durée, au-delà de l’hiver, estime le porte-parole du coordinateur des services spéciaux polonais, Stanislaw Zaryn. Les Biélorusses ont mis en place tout un dispositif de hangars, pour faire passer l’hiver à ces personnes. C’est pourquoi la construction du mur que nous prévoyons à la frontière est nécessaire. » Le gouvernement se fixe pour objectif de terminer l’infrastructure de 180 kilomètres de longueur, composée de barreaux de cinq mètres de hauteur et de barbelés, d’ici le milieu de l’année 2022.
Loin des considérations géopolitiques, les organisations d’aide aux migrants et les défenseurs des droits humains, regroupées dans la vaste coalition Groupe frontière (« Grupa Granica »), qui ont porté assistance à près de 6 000 personnes depuis le début de la crise, ont écrit une lettre ouverte au ton cinglant à la Commission européenne, critiquant vertement les derniers projets de mesures de l’exécutif européen relatifs à la gestion des frontières.
« Ce projet met en place des mesures qui renforcent l’état de non-droit et les atteintes aux droits de l’homme, dénoncent-elles. Il légalise explicitement les pratiques exercées par le gouvernement polonais (…). Nous sommes effarés du fait qu’un projet enfreignant les droits humains et la Convention de Genève sur les statuts des réfugiés puisse être approuvé par les institutions européennes. »