A Lyon et Villeurbanne, des mères sans-abri hébergées dans des « tiny houses »

La métropole a installé quarante-huit « tiny houses » ou micromaisons mobiles pour accueillir cent femmes avec des enfants de moins de 3 ans.
article par Richard Schittly publié sur le site lemonde.fr , le 27 12 2021 

Tout en haut du quartier de Vaise, dans le 9e arrondissement de Lyon, un petit village vient de faire son apparition, discrètement implanté le long de la voie ferrée. Il est composé d’une vingtaine de tiny houses, ces petites maisons roulantes de 15 à 20 mètres carrés qui font habituellement le bonheur des bobos à la campagne.

Là, aux confins de la ville, les roulottes aux parois en bois abritent des femmes avec leurs tout jeunes enfants, en situation de grande précarité. Des jouets rangés entre les maisonnettes égayent l’ancien terrain industriel. A droite du portail, une roulotte contient la réserve de nourriture. En face, c’est la buanderie. Au bout du terrain, une tiny house est transformée en mini-crèche, avec ses jeux et son sapin de Noël.

Depuis un an, la métropole de Lyon multiplie les implantations de ces micromaisons, utilisées comme des solutions novatrices parmi ses offres d’hébergement d’urgence. Elles sont proposées à un public particulier des personnes sans abri : les femmes avec des enfants de moins de 3 ans.

Quarante-huit tiny houses ont été mises en place en 2021, sur deux sites ouverts à Lyon (9e) et Villeurbanne. Cent femmes et jeunes enfants bénéficient de ces habitats mis au service de l’aide sociale aux plus démunis. A Villeurbanne, le site est géré par l’association Le MAS. A Vaise, c’est Le foyer Notre-Dame des sans-abri qui s’occupe de l’accompagnement et de la gestion du village nommé « Les Amazones », en référence au peuple scythe, prônant l’égalité entre hommes et femmes.

« On se sent chez nous »

La métropole dirigée par l’écologiste Bruno Bernard s’apprête à lancer trois autres marchés au cours de l’année prochaine, à destination des femmes avec de jeunes enfants. Dans la deuxième agglomération de France, 500 femmes et petits enfants sont actuellement placés dans des foyers ou des hôtels dans le cadre de l’hébergement d’urgence. On dénombre aussi 850 mineurs non accompagnés, relevant des compétences sociales de la métropole qui a intégré le département du Rhône dans son périmètre géographique.

Dans le village des Amazones à Vaise, Peggy, Odette et Jeanne semblent enfin avoir trouvé un peu de stabilité et d’intimité, après des mois d’errance entre les continents et les zones de non-droit. Les mères sont pour la plupart venues d’Afrique subsaharienne, au gré d’une migration ponctuée d’étapes pénibles, difficiles à raconter. Leurs petites maisons de 16 mètres carrés offrent une pause bienvenue.

« On se sent chez nous, le soir on s’endort sans crainte, on se repose. Dans les foyers ou les hôtels, je n’étais jamais tranquille, je réfléchissais trop, je m’inquiétais, je ne savais pas ce que je pouvais devenir », témoigne Odette. Originaire de la République démocratique du Congo, la jeune maman a traversé de multiples pays, jusqu’à l’Angleterre, avant son arrivée à Lyon à l’été 2021, où elle a connu les foyers du 115 et des chambres d’hôtel. « Les enfants jouent ensemble, les mères se rencontrent, imaginent des activités. Le lieu permet de bénéficier d’un chez-soi et encourage l’esprit collectif », dit Sébastien Guth, le directeur du foyer Notre-Dame des sans-abri de Lyon.

Accompagnement efficace

La formule semble particulièrement adaptée aux jeunes mères. Surtout, la stabilité du lieu permet un accompagnement social efficace. « Les femmes seules avec des enfants disposent d’un espace protégé, avec la possibilité de faire des repas et d’organiser leur vie. Lorsqu’elles étaient dans des hôtels, elles étaient isolées durant des mois, sans droits ouverts, dans des lieux dépersonnalisés. Cela change beaucoup dans l’accompagnement que nous mettons en œuvre pour trouver des solutions pérennes », explique Bruno Bernard.

La politique sociale de la collectivité trouve un nouveau souffle grâce à ces structures souples et moins coûteuses que les financements de chambres d’hôtel. Leur mobilité permet de changer d’endroit s’il faut libérer le terrain. « Nous pouvons progresser ensemble pour améliorer la situation. Nous ne pouvons pas tout prendre en charge, l’Etat doit prendre sa part. Les marges de progression sont considérables », estime le président écologiste de la métropole de Lyon.

L’idée du premier projet de tiny houses pour des femmes isolées, dans la région lyonnaise, avait été soutenue par l’Entreprise des possibles, le groupement d’entrepreneurs solidaires, dont l’industriel Alain Mérieux a été l’instigateur.