Humaniser la migration et accompagner les migrants, tels sont les principaux objectifs de l’association Rencontre méditerranéenne pour l’immigration et le développement (ARMID).
article publié sur le site etlettres.com publié le 17 11 2020
Cette association a vu le jour en mars 2009, pour réagir aux « politiques de fermeture des frontières et d’externalisation du contrôle des flux migratoires », expliquent ses jeunes fondateurs. « ARMID, qui emploie une dizaine de membres parmi lesquels des universitaires, des ingénieurs et des techniciens de disciplines diverses (immigration, animation…), effectue un travail de terrain et crée un espace de dialogue, de réflexion et de sensibilisation sur la question migratoire au Maroc et en Méditerranée. Elle s’appuie également sur le soutien de bénévoles engagés et expérimentés », préciser Saïd Bouamama, son président.
Intégration dans les écoles
La dernière action en date, c’est celle que mène ARMID avec l’Unicef et des cadres de l’Académie de l’Éducation nationale depuis fin novembre 2019, afin d’intégrer les enfants de la migration dans les écoles marocaines. « Nous avons touché près de 250 familles et nous travaillons d’arrache-pied afin d’inscrire un maximum d’élèves subsahariens dans les écoles », explique Saïd Bakkali, le vice-président. L’association est bien implantée sur le terrain et coordonne ses actions avec les migrants, à travers leurs leaders : les agents communautaires. Ce travail de terrain a permis à un nombre important de migrants en situation irrégulière de mieux s’intégrer aussi bien économiquement que socialement.
Jean-Pierre Wandje est un des premiers bénéficiaires d’ARMID. Originaire du Cameroun, il a traversé des milliers de kilomètres avant de rallier Oujda en 2007. Il a vécu pendant quelques mois à Rabat et Marrakech et puis s’est installé finalement à Tanger en 2011. « Je vivais près de Plaza Toro où l’association avait ses premiers locaux. ARMID était une des premières ONG à venir en aide aux migrants subsahariens. L’association mettait Internet à notre disposition pour nous permettre de contacter nos amis, de discuter avec la famille, d’avoir accès aux informations. C’était très important à l’époque. On nous payait aussi une partie du loyer et on nous fournissait couvertures et médicaments », se souvient-il.
Les cadres d’ARMID veulent aller plus loin, pour « renforcer les capacités des collectifs d’immigrants à exercer leur droits humains et les sensibiliser aux conventions internationales, aux lois marocaines et aux dispositions de la Stratégie nationale d’immigration et d’asile ». « Nous allons continuer à travailler sur les projets pour l’inscription des enfants en situation d’immigration à l’école publique marocaine et pour le soutien scolaire, ainsi que sur des projets de contribution à l’insertion socio-économique des femmes migrantes à travers des formations d’auto-emploi », conclut Saïd Bouamama.
L’entretien : Said Bouamama, président : « On apporte une assistance aux migrants subsahariens. »
Parlez-nous tout d’abord de la genèse de votre association, de ses objectifs…
ARMID a été créée en réaction au débat politique sur la lutte contre la migration clandestine dans le bassin méditerranéen. L’association a pour objectif principal d’aborder la migration sous un angle du respect des droits humains fondamentaux et de la coopération entre les peuples. ARMID, dont les locaux sont situés à Tanger, ville clef en matière de migration, apporte une assistance humanitaire, sociale et juridique effective aux migrants et demandeurs d’asile, en particulier aux Subsahariens. Elle œuvre sur la ville de Tanger mais également sur toute la région du Nord du Maroc et fait partie d’un réseau plus large sur l’axe Tanger-Oujda-Rabat.
Quelles ont été vos principales actions ?
Depuis sa création, ARMID a une forte implication sur le terrain qui lui permet d’œuvrer dans l’action humanitaire, sociale et sanitaire au profit des migrants, de faire le suivi des violations des droits des migrants et de la situation générale de la population migrante au Maroc. L’association a également focalisé son action dans le tissu associatif marocain et international, entretenant une proche collaboration avec d’autres structures de défense des droits humains, d’assistance aux migrants et réfugiés et d’associations de migrants et de réfugiés.
Quels sont les problèmes auxquels vous faites face ?
Il y a tout d’abord la difficulté de trouver des financements pour nos projets et nos initiatives. Nous manquons aussi d’opportunités de formation continue pour les membres de l’association ainsi que d’échanges au niveau international. Ensuite, il est compliqué de maintenir des activités à cause des campagnes de ratissage contre les migrants subsahariens. Enfin, il n’est pas aisé d’avoir une relation normalisée avec les autorités compétentes.
Le portrait: Saïd Bakkali, vice-président : Contre l’exclusion…
À 38 ans, Saïd Bakkali est une des figures tangéroises les plus actives dans le domaine de la migration, surtout subsaharienne. Ce lauréat de l’Institut supérieur international du tourisme de Tanger, qui travaille comme responsable planification à Tanger Med, s’est engagé tout jeune dans la lutte pour les droits des migrants dans notre pays. « Depuis 2001, je travaillais dans le cadre de la Chabaka des associations en réaction aux premiers flux des migrants subsahariens dans notre ville. » Ces derniers s’étaient tout d’abord installés dans l’ancienne médina et au souk Dakhel avant de se déplacer vers Boukhalef, Malabata, Houma Chouk et les forêts avoisinantes. Saïd Bakkali et les autres militants du réseau ont initié un travail salvateur, qui a abouti quelques années plus tard à une politique étatique plus humaine envers les migrants. « En tant que jeunes, on essayait de lutter contre l’exclusion et la précarité. Et les migrants vivaient alors dans une extrême précarité. En 2009, on a décidé de créer ARMID, une entité apolitique, afin de continuer ce travail sur les migrants et la migration. »