La République française manque de diversité

La noble intention de la Ier République, abolissant l’esclavage dès 1794, avant le retour en arrière opéré sous le Consulat (1802), ­l’irréversible décision de la IIe République, sous l’impulsion décisive de Victor Schœlcher (1848), qui donne la pleine citoyenneté à des Français jusque-là considérés comme des biens personnels, auguraient d’un autre destin. Pourtant, par deux fois, l’un des plus brillants hommes politiques du XXe siècle – l’un des plus cou­rageux aussi, osant à l’automne 1962 tenir tête à Charles de Gaulle, à l’occasion du référendum sur l’élection présidentielle au suffrage universel – manqua de devenir chef de l’Etat sous deux Républiques différentes.

Evocation des « indigènes »

Président du Conseil de la République (sous la IVe, nom de la Haute Assemblée qui d’ordinaire s’appelle le Sénat) depuis mars 1947, le radical Guyanais Gaston Monnerville (1897-1991) aurait dû être présenté par son parti pour succéder à Vincent Auriol à la présidence de la République, selon l’usage. Son parcours des plus brillants, son action politique au sein des gouvernements Chautemps sous le Front Populaire – député de la Guyane, il parvient à faire abolir le bagne de Cayenne –, son implication dans la Résistance et sa mission à la ­Libération pour préparer le statut de l’outre-mer, tout concourt à faire de lui un candidat exemplaire. N’était la couleur de sa peau… Finalement les radicaux préfèrent laisser le champ libre pour l’Elysée au vice-président René Coty, péniblement élu par le Congrès au 13e tour de scrutin…