Victoire judiciaire définitive pour Cédric Herrou, défenseur emblématique des migrants

C’est la fin d’une longue bataille judiciaire et une victoire pour le militant de la vallée de la Roya, dans les Alpes-Maritimes, Cédric Herrou, emblématique défenseur de la cause des migrants. Mercredi 31 mars, la Cour de cassation a déclaré non admis le pourvoi formé par le parquet général à la suite de la relaxe du militant, le 13 mai 2020, par la cour d’appel de Lyon.

article par Juliette Bénézit pubié sur le site lemonde.fr, le 30 03 2021

Il était notamment poursuivi pour aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger en France. « C’est une excellente nouvelle » et un « véritable camouflet pour le parquet », a réagi son avocat, Me Patrice Spinosi. « La relaxe de Cédric Herrou est désormais définitivement acquise et ne pourra plus être remise en cause », a-t-il ajouté.

La décision de la Cour de cassation vient mettre un point final à plus de quatre ans de procédures lors desquels l’agriculteur de la Roya, 41 ans, a dû se présenter pas moins de cinq fois devant la justice. Si cette affaire a trouvé un écho important et un symbole fort en la personne de Cédric Herrou, elle a ravivé un débat ancien, celui du « délit de solidarité », et soulevé une question essentielle pour tous les bénévoles, maraudeurs, associatifs ou simples citoyens : jusqu’où peut-on aller dans l’aide aux personnes en situation irrégulière sans être pour autant hors la loi ?

Recours aux « sages »
En l’espèce, l’affaire débute en octobre 2016, lorsque des gendarmes repèrent, à Saint-Dalmas-de-Tende (Alpes-Maritimes), un ancien entrepôt inoccupé de la SNCF où se trouvent 57 personnes présumées étrangères, dont 29 mineurs. Le parquet de Nice décide d’ouvrir une enquête à l’encontre de Cédric Herrou, désigné comme l’organisateur principal des lieux. Il lui sera également reproché d’avoir convoyé des migrants depuis Vintimille, en Italie.

En première instance, en février 2017, Cédric Herrou est condamné à 3 000 euros d’amende avec sursis. Sa peine est alourdie en appel, où il écope cette fois, en août 2017, de quatre mois de prison avec sursis. Le militant se pourvoit en cassation. L’affaire prend alors un autre tournant. A cette occasion, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est transmise au Conseil constitutionnel. Il est demandé aux « sages » de trancher la question suivante : la loi définissant les règles relatives à l’aide aux personnes en situation irrégulière est-elle conforme à la Constitution, texte suprême dans l’ordre juridique français ?

Jusqu’ici, la loi du 31 décembre 2012 réprimait l’aide à l’entrée, au séjour et à la circulation des personnes en situation irrégulière, visant notamment les passeurs. Afin que les associations et citoyens ne tombent pas sous le coup de la loi, il existait une immunité pénale limitée à ceux dont les actions ne donnaient lieu à « aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci 

Elargissement de l’immunité
Un texte trop restrictif, d’après le Conseil constitutionnel. Dans une décision historique du 6 juillet 2018, il a consacré la valeur constitutionnelle du principe de fraternité et estimé, sur cette base, que la loi en question méconnaissait ce même principe « faute de prévoir une immunité en cas d’aide au séjour irrégulier pour tout acte purement humanitaire n’ayant donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte ».

Les parlementaires ont dû rectifier le tir. Dans la loi du 10 septembre 2018 « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie », ils ont élargi le champ de l’immunité pénale à tout acte n’ayant donné lieu à « aucune contrepartie directe ou indirecte et accompli dans un but exclusivement humanitaire ». Il s’agit d’actions pouvant concerner l’aide au séjour ou à la circulation d’une personne en situation irrégulière. En revanche, l’aide à l’entrée sur le territoire, qui débouche sur un acte illicite, reste exclue du bénéfice de l’immunité.

Une exception dont la cour d’appel de Lyon a fait bénéficier Cédric Herrou, dans son arrêt du 13 mai 2020, et sur laquelle elle s’est notamment appuyée pour motiver une partie de la relaxe du militant. Ce mercredi, la Cour de cassation a déclaré non admis le pourvoi du procureur général qui estimait, entre autres, que la cour d’appel « n’avait pas caractérisé le but exclusivement humanitaire poursuivi par le prévenu ».

« Malgré l’acharnement du parquet, le principe de fraternité trouve aujourd’hui sa pleine application. Les juges ont su porter haut ce principe contre l’avis des parquets qui voyaient en Cédric Herrou le symbole de l’assistance organisée aux réfugiés en difficulté », estime Me Spinosi.

Juliette Bénézit