À l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, célébrée aujourd’hui dans le monde, neuf élèves de 9 à 14 ans confient leurs rêves d’un pays respectueux de l’enfance.
Qu’ils soient blancs ou noirs, libanais ou étrangers, riches ou pauvres, tous les enfants ont droit à l’éducation, à la santé, à la protection. Ils ont aussi le droit de jouer et d’avoir des loisirs, de ne pas subir les violences des adultes, de ne pas être forcés de travailler et de mendier, de refuser d’effectuer des choses sous la contrainte. Ils ont enfin le droit de grandir dans un pays qui respecte leurs aspirations et leurs rêves, où les hommes politiques, les forces de l’ordre et chaque père ou mère donnent l’exemple, afin qu’ils ne se sentent pas poussés à partir pour d’autres horizons, en quête d’éducation, d’opportunités de travail et d’une qualité de vie meilleure. Telles sont les nombreuses questions parmi tant d’autres qui préoccupent les enfants du Liban. En cette Journée internationale des droits de l’enfant, célébrée aujourd’hui à travers le monde, L’Orient-Le Jour a donné la parole à neuf élèves de l’école secondaire des Filles de la Charité – Achrafieh.
Thérésa Hardane, Chloé Kassabian, Céléna Abi Hanna, Simon Khawaja, Maria Halajian, Angelina Ghanem, Josée Zouein, Sirine Abou Rjeily et Joe Naïm ont entre 9 et 14 ans. Pour eux, la Journée internationale des droits de l’enfant ne représente pas grand-chose de concret. Mais spontanément, lorsqu’on leur demande de rapporter ce qui les dérange dans la rue, à la maison ou à l’école se rapportant à l’enfance, ils montrent du doigt les nombreuses violations des droits de l’enfant, tout en se demandant pourquoi rien n’est fait au Liban pour remédier à cette réalité, jusqu’à proposer de créer des associations, pour agir. Des témoignages d’une étonnante maturité, avec des mots d’enfants.
Droit à l’éducation et à la santé
Leur regard se pose d’abord sur les petits réfugiés syriens forcés de mendier dans la rue, souvent pieds nus, car leurs parents n’ont pas d’emploi ni de quoi les nourrir. Il s’attarde ensuite sur le quotidien de ces enfants mal nourris, souvent privés d’école et d’éducation, contraints de travailler des journées entières pour quelques pièces, sans même avoir accès aux soins médicaux. « Qu’il soit syrien, libanais ou autre, qu’il soit noir ou blanc, un enfant a droit à l’éducation et aux soins de santé, parce que tous les enfants sont égaux », lance une adolescente. L’empathie dont fait montre ce groupe d’élèves contraste fortement avec les discours de la classe politique, véhiculés par les médias. Assurément, le quotidien des petits réfugiés leur fait mal au cœur. « Pourquoi un enfant pauvre doit-il être privé de soins et mourir à la porte d’un hôpital ? » demande une autre fillette. Le plus jeune du groupe se penche alors sur les dangers qui guettent les petits mendiants dans la rue, la pollution en particulier. « À longueur de journée, ils respirent les pots d’échappement des véhicules et sont confrontés à la saleté », déplore-t-il.
Il est nécessaire de rendre des comptes
Invités à réfléchir à leurs propres problèmes, les élèves font part de leur profond regret d’être eux aussi confrontés à la pollution. « Je voudrais pouvoir me baigner dans la mer. Mais cela n’a pas été possible, cet été, pour cause de pollution », regrette l’aînée du groupe. Car outre la saleté liée à la crise des déchets qui les dérange fortement, les enfants sont bien conscients des risques sanitaires liés à ladite crise, des maladies de peau ou des affections respiratoires notamment. Et regrettent qu’aucune solution ne soit envisagée. La discussion s’oriente alors vers le trafic routier et le non-respect du code de la route. « Pourquoi tout le monde grille les feux rouges ? » demande une élève. « Toute personne ne respectant pas la loi devrait rendre des comptes et être sanctionnée, qu’il s’agisse d’une personnalité politique, d’un simple citoyen ou même de nos parents », renchérit sa camarade. Car il y va de la sécurité des enfants, de leur protection aussi. Le délicat dossier de la violence envers les enfants est alors abordé. Délicat parce qu’il peut parfois prendre l’allure d’une violence parentale.
Si les grands de ce pays ne parviennent pas à résoudre nos problèmes, « nous pourrions être poussés à partir », lance le benjamin de l’équipe. « Partir pour étudier, partir pour avoir l’opportunité de trouver un emploi, partir aussi pour une vie meilleure », précisent ses voisins, complétant son idée. Le problème de l’émigration et de la fuite des cerveaux surgit, celui de l’égalité des chances aussi, même si les élèves ne trouvent pas toujours les mots exacts pour exprimer leur pensée.
Au fil des idées, le dossier de la main-d’œuvre migrante fait surface. Les enfants dénoncent « le racisme envers les travailleurs noirs » au pays du Cèdre, sans oublier le travail forcé et les conditions déplorables du travail domestique. « Pourquoi fait-on l’amalgame entre la peau noire et le travail domestique ? déplore une élève. Une femme noire n’a-t-elle pas le droit d’avoir une autre occupation professionnelle, d’être coiffeuse ou vendeuse ? » « Sachez avant toute chose que ces personnes qui nous servent ont laissé un ou plusieurs enfants à la garde de leur mère, pour venir nous servir », conclut une fillette haute comme trois pommes, pleine de compassion à l’égard de ces enfants d’ailleurs, privés de leurs mères…