Tirailleurs sénégalais : « A la différence des autres soldats Français, ils n’étaient pas des citoyens mais des sujets »

Dans un premier temps, ce sont vingt anciens tirailleurs sénégalais vont pouvoir rentrer définitivement dans leur pays d’origine. L’historienne Sandrine Lemaire rappelle qu’à l’époque, ces hommes ont combattu pour un pays qui n’était pas le leur, mais une puissance coloniale.
interview diffusée sur le site franctvinfo.fr, le 4 01 2023

« Ce sont des gens qui ont vécu dans des foyers pour toucher leur pension », rappelle mercredi 4 janvier matin sur franceinfo, Sandrine Lemaire, historienne-enseignante et autrice de « Les Tirailleurs » aux éditions du Seuil. Vingt anciens tirailleurs sénégalais vont pouvoir rentrer définitivement dans leur pays d’origine, tout en continuant à percevoir leur minimum vieillesse, après une décision du gouvernement français, selon les informations de franceinfo. « A la différence des autres Français qui combattaient, ils n’étaient pas des citoyens mais des sujets », indique l’historienne.

Franceinfo : Une injustice vient d’être réparée ?
Sandrine Lemaire : Oui, clairement. En fait, on avait des gens qui étaient soit obligés de faire l’aller-retour en France pour venir vivre six mois, soit le plus couramment, ils restaient sur place et ne pouvaient pas rentrer au pays par manque d’argent, par manque de moyens. Et donc ce sont des gens qui ont vécu dans des foyers, qui vivent encore dans des foyers, pour pouvoir toucher leur pension.

Aujourd’hui sort le film Tirailleurs, est-ce que vous diriez que la culture et le cinéma ont permis, à leur échelle, de faire avancer leur cause ?
– Sans aucun doute, je pense que si on en fait un petit élément dans la matinale de franceinfo ce matin, c’est bien parce que ce sont des films événements comme l’a été le film Indigènes de Rachid Bouchareb, en 2006, à la différence que la décristallisation des pensions décidée par Jacques Chirac après avoir vu le film Indigènes, il semblerait que dans ce cas précis et qui nous amène à en discuter, c’est plutôt le fruit d’un long processus, d’un long combat, et qui n’est pas encore totalement abouti.

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On parle de tirailleurs sénégalais, mais c’est un abus de langage ?
– Alors clairement, c’est un abus de langage parce qu’évidemment ils venaient de plusieurs territoires. Ils ont été nommés Wassa, Béninois, etc jusqu’en 1900 où l’Armée française a décidé de les nommer tous « tirailleurs sénégalais » du nom du régiment d’origine qui est né au Sénégal. Voilà pourquoi quand on dit tirailleurs sénégalais, effectivement, on parle de gens qui viennent de beaucoup d’endroits.

Est ce qu’ils étaient des soldats comme les autres au sein de l’Armée française ?
– Oui, c’est la spécificité de l’Armée française, contrairement aux armées américaines par exemple. Ils ont combattu au sein d’armées, parfois même de régiments mixtes selon les époques. Par contre, ils ont combattu pour un pays qui n’était pas le leur, qui était la puissance coloniale, donc à la différence des autres français qui combattaient, ils n’étaient pas des citoyens mais des sujets. Ils ont combattu souvent en première ligne, au même titre que les autres combattants français. Ils ont servi de force de frappe très clairement mais si on regarde les chiffres de décès, il s’agit plus de décès liés à des maladies que de décès liés au front. Si on regarde les chiffres de décès liés aux combats, c’est exactement les mêmes taux en rapport avec les combattants français.