Huit universités, dont celles d’Amiens et de Lille, et une centaine de chercheurs se regroupent pour lancer un réseau de recherche sur le racisme et l’antisémitisme
- Une centaine de chercheurs issus de huit universités, dont celles d’Amiens et de Lille, lance un Réseau de recherche sur le racisme et l’antisémitisme (RRA).
- Ce réseau est qu’il va fédérer beaucoup de disciplines différentes : l’histoire, la sociologie, la psychanalyse, les sciences de l’éducation, le droit…
Propos recueillis par Gilles Durand et publiés sur le site 20minutes.fr , le 19 11 2019
L’historienne Martine Benoit est référente sur le sujet du racisme, à l’université de Lille.
D’où vient la haine de l’autre? Mercredi sera officiellement lancé, à Lille, le Réseau de recherche sur le racisme et l’antisémitisme (RRA) qui va réunir une centaine de chercheurs issus de huit universités, dont celles d’Amiens –qui est pilote – et de Lille. Entretien avec la germaniste Martine Benoit.
Pourquoi avoir mis en place ce réseau ?
En 2015, le ministère a proposé aux universités de nommer des référents racisme et antisémitisme. Comme chercheurs, nous avons souhaité renforcer cet engagement universitaire par un réseau d’échanges entre universités. Ce réseau a l’avantage de fédérer beaucoup de disciplines : l’histoire, la sociologie, la psychanalyse, les sciences de l’éducation, le droit…
Quels sont vos axes de travail ?
On évoque, par exemple, le conspirationnisme. Ce n’est pas un sujet nouveau. Mais avec les réseaux sociaux, cela prend une ampleur inédite. On a beau contredire avec des arguments rationnels, ça ne produit que peu d’effet. On a l’impression d’interrogations sans fin. On interroge aussi la montée du communautarisme et de cette nouvelle façon de compartimenter les réflexions. Une femme est-elle plus légitime qu’un homme pour parler des femmes ? Un historien l’est-il moins qu’un témoin?
Dans notre projet, une des pistes de travail est aussi de réaliser un cours en ligne documentarisé, intitulé « Déconstruire les représentations racistes et antisémites » pour tenter de contrecarrer ces nouvelles façons de pensée qui, aujourd’hui, atteignent aussi nos étudiants.
C’est-à-dire ?
Des incidents, notamment autour de l’antisémitisme, ont lieu dans nos universités. Et les dérives sont banalisées. On constate encore trop d’actes racistes dans la société française. Comme universitaires, nous croyons à la parole et au discours pour faire face à cette montée du populisme. Quand je parle de populisme, j’évoque le fait de simplifier à outrance des phénomènes complexes. Quand on dit « Dehors, les étrangers ! », c’est quoi un étranger ?
Vous n’évoquez pas l’islamophobie dans les axes de recherche…
Parce que le mot ne nous convient pas. On préfère le terme « racisme anti-musulman » jugé plus juste et qui est une réalité. On reste sur des mots qui disent les choses. Islamophobie fait partie des mots qui font écran et empêche de penser et d’interroger le phénomène.
Que pensez-vous du terme « racisme d’Etat » ?
Bien sûr que lorsqu’on est une femme noire et pauvre, c’est plus difficile de vivre en France. Mais on ne peut pas parler de racisme d’État. Il n’y a pas de législation raciste ou antisémite en France, comme ce fut le cas sous Vichy, par exemple. Il n’y a pas de persécutions. On plaque un mot fort sur une condition sociale qu’on ferait mieux d’analyser : être issu de l’immigration, être défavorisé, être travailleur pauvre, etc…
Le communautarisme est-il un problème ?
Il empêche de penser à l’autre. Je crois aux croisements de pensées et de vues. Je crois au vivre ensemble, à la pensée universaliste. Et la République française le permet. Le débat se nourrit de contradictions et de dialogues. C’est exigeant, mais c’est essentiel. Tout le contraire de Facebook où on like les mêmes choses, où on partage les mêmes envies.