« Nouvelles inégalités, nouvelles colères »

Par surcroît, chacun de ces ensembles est lui‐même traversé par une multitude de critères et de clivages, en fonction desquels on est plus ou moins égal (ou inégal) aux autres. Cette représentation et cette expérience des inégalités s’éloignent progressivement de celles qui dominaient la société industrielle, à une époque où la position de classe paraissait associée à un mode de vie, à un destin et à une conscience.

Il y a tout un monde entre les « Groseilles » et les « Le Quesnoy », les personnages du film La vie est un long fleuve tranquille d’E. Chatillez (1988).

L’expérience des inégalités

La multiplication des inégalités, plus encore le fait que chacun est confronté à des inégalités multiples, transforme profondément l’expérience des inégalités. D’abord, les inégalités sont vécues comme une expérience singulière, comme une épreuve individuelle, comme une mise en cause de sa propre valeur, une manifestation de mépris et une humiliation. On glisse progressivement de l’inégalité des positions sociales au soupçon de l’inégalité des individus, qui se sentent d’autant plus responsables des inégalités qui les affectent qu’ils se perçoivent comme étant libres et égaux en droits, avec le devoir de l’affirmer.