« Nos jeunes, une bénédiction ! » : loin des polémiques, les réussites du modèle d’intégration français

C’est le ronronnement tranquille de la machine à intégrer. Cette France qui ne va pas si mal et qui réussit, bon gré, mal gré, à donner un toit, des apprentissages, un horizon, des rêves parfois aussi, à des jeunes issus de milieux populaires, enfants des classes moyennes ou gamins récemment arrivés d’Afrique, dans cet âge intermédiaire, beau et inquiétant, où il faut quitter le domicile familial et commencer une vie autonome, décrocher un contrat d’apprentissage, un CDD, un intérim, un logement, un permis de conduire, une voiture. « Bienvenue », nous dit Adelaïde Barbosa, 61 ans, employée au cœur débordant, dont on sent qu’elle voudrait pouvoir serrer dans ses bras l’humanité tout entière, histoire de donner un peu de sa tendresse

Chalon-sur-Saône, foyer de jeunes travailleurs, le 21 juillet 2021. Ce foyer de jeunes travailleurs est composés de 240 logements donc environ 20 jeunes mineurs non accompagnés. Ici un jeune habitant du foyer.  LAURENCE GEAI POUR « LE MONDE »

Dans les soutes du foyer de jeunes travailleurs de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), Adelaïde règne en maîtresse de maison, figure apaisante, exigeante aussi, pour les jeunes hommes et femmes, entre 15 et 25 ans pour l’immense majorité, venus vivre ici quelques semaines, quelques mois, quelques années, selon les cas. « Bienvenue. » Adélaïde gagne 1 500 euros net par mois, après trente-quatre années de service au sein de la résidence. Son mari, maçon à la retraite, la conduit en voiture tous les matins. Elle arrive à 5 h 45 afin de prendre de l’avance sur son service qui commence en réalité à 6 h 30. « Il y a des jeunes qui partent travailler à 6 heures, je veux être là, justifie-t-elle. Vous savez, je sais pourquoi je me lève tous les matins. Se sentir utile n’a pas de prix ! »

Adélaïde Barbosa, 61 ans, prépare le petit-déjeuner des résidents. A Chalon-sur-Saône, Saône-et-Loire, le 20 juillet 2021. LAURENCE GEAI POUR « LE MONDE »

Depuis trente-quatre ans donc, elle s’occupe du ménage, des petits déjeuners (gratuits) et distribue de la bienveillance, de l’attention, de la confiance sous forme de tranches de pain, de paroles, de regards et de bras qui enlacent ou qui rassurent lorsqu’il le faut. « Ces jeunes, ce sont aussi mes enfants. » Elle-même en a trois, et ils ont bien grandi : l’aînée, policière en banlieue parisienne, le cadet, employé dans une usine à Mâcon, le benjamin, gendarme mobile. Alors, elle donne sans compter. « Les jeunes me disent que je suis leur maman ! » Elle surveille, en particulier, que chacun mange le matin. « Je veux qu’ils partent avec quelque chose dans le ventre. »

L’éducation populaire, peu spectaculaire mais efficace pour l’intégration

« On a cinq doigts, il n’y en a pas deux pareils », répétait la mère d’Adélaïde. Cela vaut pour les enfants. Les siens, et ceux des autres. Au foyer de travailleurs, la métaphore est sans doute plus juste qu’ailleurs. La résidence a été construite avec l’imagination des architectes des années 1960, quand il fallait faire vite et pas cher – en gros, un cube de béton de huit étages, 10 fenêtres par niveau, en périphérie d’un quartier populaire de Chalon. Elle abrite 240 logements au total pour un peu moins de 300 résidents. Des studios pour la plupart – un lit de 90 cm de large, un frigo, une plaque électrique, une douche-cabine, une table pour manger ou travailler –, le tout entre 38 et 250 euros par mois, selon les appartements et après versement de l’aide personnalisée au logement (APL).Devant le bâtiment égalité, des jeunes résidents discutent     Hervé Thurin, directeur du foyer, avec un résident.     LAURENCE GEAI POUR « LE MONDE »

Dans cette mini-France, il n’y a pas de gosses de riches mais des jeunes aux profils incroyablement variés, certains durement cabossés par le destin ; d’autres en route pour des beaux métiers dans l’artisanat, en recherche de CAP, de bac professionnel ; d’autres encore, mineurs isolés, arrivés ici après avoir traversé la Méditerranée en zodiac pour fuir la pauvreté en Afrique. Le foyer permet d’avoir un toit moins cher, avec les aides des APL, sans ces montagnes à franchir que sont les cautions ou les garants pour les familles les plus pauvres ou les jeunes jugés trop à risque par les propriétaires privés.

« La France adore les révolutions, mais ce qui fonctionne, c’est la politique des petits pas », explique le directeur, Hervé Thurin

L’intégration fait du bruit et des dégâts, des tribunes et des polémiques, lorsqu’elle échoue. Elle est par nature discrète, presque invisible, lorsqu’elle réussit, portée par des travailleurs sociaux dont le rôle est inversement proportionnel à leur salaire et à leur reconnaissance dans la société. Au foyer de Chalon, comme dans les quelque 700 établissements du même type qui accueillent 200 000 jeunes par an en France, on croit dans l’éducation populaire, cette vision aussi généreuse et efficace que peu spectaculaire, complètement passée de mode dans une période où les ministres baptisent à tour de bras des dispositifs appelés généralement à disparaître avec eux. « La France adore les révolutions, les ministres adorent les nouveaux dispositifs, mais ce qui fonctionne, c’est la politique des petits pas », explique le directeur du foyer, Hervé Thurin, 52 ans, diplômé d’une école de commerce, tombé dans la marmite des foyers de jeunes travailleurs il y a seize ans après des années à ouvrir des magasins pour Aldi, un des pionniers du low cost.

Un critère, le travail

On sort le compost de la cuisine avec Mamadou Bobo Diallo, un gaillard de 18 ans « et demi », originaire de Guinée, passé par la Côte-d’Ivoire, le Mali, l’Algérie, le Maroc, un zodiac et la France, dans un long périple qui l’a conduit en Ardèche, puis à Chalon. C’était un mineur isolé, pris en charge par le conseil général, hébergé au foyer, c’est désormais un majeur employé en alternance dans la résidence. Il prépare une deuxième année de bac pro « agent de propreté et d’hygiène ». On effectue le tour des espaces verts de la résidence avec X (le conseil général interdit de citer le nom des mineurs isolés), 17 ans, arrivé lui aussi de Guinée il y a deux ans. Aujourd’hui inscrit en CAP peinture, il gagne un peu d’argent grâce à son contrat d’apprentissage. Cette année, il a obtenu 17,14 de moyenne, à quelques dixièmes du premier de la classe.

Chalon-sur-Saône, foyer de jeunes travailleurs, le 21 juillet 202

On suit Audrey Buvot, 20 ans, une ancienne résidente, d’abord embauchée en CDD pour le ménage, désormais en CDI comme assistante de direction. Elle prépare un barbecue avec Robin Preney, 29 ans, éducateur aux bras musculeux et tatoués, amateur de pizzas réchauffées au micro-ondes, chargé de s’occuper des mineurs isolés. « On a prévu quoi comme alcool ? », leur demande le directeur, Hervé Thurin. De la sangria. « Avec le sucre et le peu d’alcool qu’on met, ils seront diabétiques avant d’être alcooliques ! Le pire, c’est d’avoir des jeunes qui boivent de l’alcool fort, seuls, dans leurs chambres. Et puis, montrer que l’alcool est disponible, y compris quand il y a des musulmans, c’est une façon de leur indiquer qu’on peut tous cohabiter. L’intégration républicaine commence là. »

Dans la petite salle où la douzaine de salariés prennent leur pique-nique tous les jours, on écoute Annie Girard, 62 ans, une des grandes anciennes du foyer, avec Adelaïde. Elle a commencé en mars 1979 comme animatrice, puis a gravi les échelons pour devenir cadre, décidant, à 54 ans, de reprendre des études à Paris afin d’obtenir une licence professionnelle du secteur social. Une sacrée remise en question. « Mais les jeunes nous donnent tellement », raconte-t-elle. Rien qu’à regarder les photos dans la salle du restaurant collectif, elle a des frissons : « Je vois ces jeunes qui parlent, qui échangent, qui se donnent mutuellement de la force, je trouve ça formidable. C’est comme un microcosme. » Un microcosme avec des règles : « Le critère, c’est le travail. Un jeune qui traîne sans rien faire, ça ne peut pas aller, on va le houspiller. »

« On ne réinvente rien »

Pour ce public sans caution ni garant, le taux d’impayés est ridicule : 0,3 %. D’abord, parce que les APL sont directement versées à l’établissement. Mais aussi parce que les salariés ne laissent pas les résidents dériver. « On ne réinvente rien, explique Hervé Thurin, la machine à intégrer est la même. Mais on ne transige pas. La règle, c’est que tout le monde doit avoir un projet, un travail, des études. On les aidera s’il y a des difficultés mais on ne laisse personne sans rien, sans activité. On ne laissera personne gêner les autres non plus. L’apprenti boulanger qui se lève à 4 heures, il doit avoir la garantie de pouvoir dormir tôt. »

Le directeur vient saluer un ancien de la résidence qui raconte à son copain les travaux d’aménagement de son futur restaurant à Chalon. Un autre passe en trottinette électrique – il va travailler au salon de coiffure où il a été embauché (moitié prix pour les résidents). « Je suis trop content, leur dit Hervé Thurin en brandissant deux feuilles de papier. J’ai trouvé deux contrats d’apprentissage ! » Le premier pour être carrossier automobile. Le deuxième en mécanique poids lourds. Le nerf de la guerre. « Pour les migrants, c’est trouver un employeur leur permettant de suivre des études, et donc, plus facilement, d’obtenir une carte de séjour. Pour les autres, c’est la possibilité de financer leurs études et de se faire une première expérience professionnelle. »

Chalon-sur-Saône, foyer de jeunes travailleurs, le 19 juillet 2021. Voici des habitants du foyer qui se chamaillent.

« Nos jeunes, c’est une bénédiction pour les entreprises quand il y a un modèle économique : ils sont volontaires, ils ne se plaignent pas », poursuit le directeur. Dans une salle de classe, sont stockés des chaussures et des pantalons achetés à bas prix dans l’idée d’équiper les migrants récemment arrivés. « Le directeur m’a dit : “Théo, faut qu’on trouve des chemises pour chacun” », raconte Théo Brusse, 30 ans, chargé d’ouvrir une antenne du foyer au Creusot (Saône-et-Loire), où la demande des apprentis, des stagiaires et des étudiants augmente très vite. Une chemise pour les entretiens d’embauche – l’effet est garanti et suffit parfois à renverser les représentations.

Tous ne réussiront pas, mais…

Au petit déjeuner, entre 6 heures et 9 heures, sous le regard d’Adélaïde, se croisent des jeunes aux destins tellement différents. Les dames de la banque alimentaire de Chalon concoctent des kilos de confiture avec les fruits invendus ou trop abîmés. Cela donne des compositions originales – dans les bassines, rien ne se perd, on mélange les fruits qui restent –, cela permet surtout aux gamins du foyer de savourer des confitures maison. Ils ne doivent pas totalement mesurer leur chance parce que ce sont les gâteaux sous emballage plastique qui partent le plus vite – hop, un dans chaque poche, un pour la journée, l’autre pour avant les pâtes, le riz ou la partie de Playstation.

Alors, oui, bien sûr, tous ne sont pas des travailleurs acharnés et tous ne réussiront pas. Mais, s’il fallait un démenti aux raccourcis sur la jeunesse et ces générations affublées d’une lettre en bout d’alphabet pour les désigner, il suffit d’écouter les résidents, sérieux, concentrés, couchés tard, mais levés tôt.

                                                        Dounya Zitouni, 22 ans, élève ingénieur originaire du Maroc. LAURENCE GEAI POUR « LE MONDE »

Angela Ristic et Dounya Zitouni sont voisines de confiture et de petits gâteaux. La première n’a que son mariage en tête. La seconde réalise son rêve de devenir ingénieure. Angela, 20 ans, est handicapée en raison des séquelles d’un cavernome cérébral qui a paralysé une partie de son corps à l’âge de 7 ans. Née dans une caravane près de Marseille, où vivaient ses parents, tziganes d’origine serbe, elle a été expulsée de France avant de revenir pour être soignée. « Je suis restée un an en fauteuil roulant, puis j’ai appris à remarcher. » Elle a trouvé la foi chez les Mormons, l’église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, elle a aussi trouvé l’amour (les Mormons fournissent volontiers les deux) : en septembre, elle se marie avec Kevin, aide à domicile de 24 ans. Lui portera un costume bleu avec nœud papillon ; elle, elle fait encore défiler les robes de mariée sur son téléphone sans avoir choisi. Au foyer, au fil de ses passages, dans une chambre adaptée, elle apprend l’autonomie avec l’espoir de vivre seule un jour – à deux, plutôt. Malgré les souffrances, son cœur se gonfle d’espoir : « Je mérite d’être heureuse, et je le suis ! »


Voici Angela Ritic, 20 ans, elle souffre d’une maladie qui la rend handicapée. Elle bénéficie d’une chambre adaptée au rez de chaussée.

Dounya Zitouni rêve, elle, de gonfler ses voiles pour visiter la planète. Allemagne, France, Royaume-Uni, elle n’a pas choisi. Marocaine de 22 ans, elle a grandi dans une famille favorisée de Casablanca et a rejoint la France pour des études d’ingénieur à l’école des Arts et métiers à Paris. Une voie royale. Elle termine un stage chez Framatome à Chalon, où elle est chargée du contrôle de composants nucléaires. D’où ce foyer, rassurant, bon marché, chaleureux, où elle est devenue un pilier, notamment à la cuisine, dans les repas partagés – gratuits, à condition que chacun s’inscrive pour une tâche précise (cuisine, plonge, nettoyage, rangement, etc.). La suite de sa carrière est ouverte. Son profil est rare, ses compétences recherchées. Elle y réfléchit, avec cette confiance que donne la réussite. Un CDI, pourquoi pas, si les propositions lui conviennent. Ou bien une thèse sur les technologies immersives pour continuer à accumuler les diplômes.

« Je voulais être indépendante »

A quoi rêve-t-on quand on a 20 ans dans un tel foyer ? En aucun cas d’une révolution. Ni même d’un changement de société. On rêve d’un emploi stable. Du permis de conduire. D’une voiture, quand on aura réussi à mettre quelques milliers d’euros de côté. D’une maison à soi, enfin, même s’il faudra s’endetter longtemps. Alicia L. (elle souhaite garder l’anonymat), 21 ans, est vendeuse au sein d’un magasin de prêt-à-porter où elle touche 1 173 euros pour trente heures par semaine (« j’adore mon métier, j’adore les vêtements »). Avec son amoureux, cariste de 23 ans, ils viennent de signer un compromis de vente pour construire un pavillon dans la Bresse voisine. Ils ont prévu trois chambres, elles serviront d’abord pour les amis de passage, plus tard pour les enfants. « Je voulais être indépendante. » L’hébergement en foyer lui a permis d’économiser. Son apport est de 2 000 euros, gagnés pas à pas. « Je suis heureuse ? Ah oui, oui ! »

Mary Rousseau, 21 ans, est étudiante infirmière. « J’ai toujours voulu être dans le médical, aider les gens. » Emmanuelle Martin, 22 ans, suit la même formation. Elle travaille dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) afin de financer ses études. Maelys Bornier, 23 ans, vient d’obtenir son diplôme et attend impatiemment son premier poste de préparatrice en pharmacie. Elle espère bien pouvoir continuer à faire du bénévolat avec les Restos du cœur et les scouts. Nathanaël Faivre, 27 ans, rêve d’ouvrir un fast-food de falafels. A court terme, c’est l’armée qui le motive. « Ce qui m’intéresse, c’est l’ordre. » Il préférerait l’infanterie, mais la cuisine lui irait bien aussi. Woury Sow, 20 ans, originaire de Guinée, passé par la Libye et l’Italie, prépare un bac de technicien d’usinage et recherche un apprentissage.


Chalon-sur-Saône, foyer de jeunes travailleurs, le 20 juillet 2021. Voici Carole Goestchel, 21 ans, elle travaille dans l’horticulture.

Carole Goestchel parle sans ponctuation ni respiration, avec cette impatience des mots et le rire éclatant et timide à la fois de son âge. La jeune femme de 21 ans a envoyé une trentaine de CV à la recherche d’un employeur prêt à l’accueillir pour son alternance. Elle avait commencé un CAP de bijouterie, mais elle ne supporte pas bien de rester assise. « J’ai trouvé ma voie ! » Ce sera l’horticulture. Un CAP d’abord, puis un bac pro. Elle se voit employée. « Pas patron ! Mon papa, il est artisan et rénove des vitraux, il galère trop en tant que patron. » La résidence lui a permis de trouver son équilibre, si difficile ailleurs : partir, construire sa vie, apprendre, progresser ; mais ne pas être complètement seule si elle n’est pas encore tout à fait prête.

La réussite individuelle fonde l’espoir

Dans sa chambre avec un immense écran de télévision pour jouer, Hamery De Melo, 22 ans, montre d’abord son CV. Puis le tableau Excel où il suit les envois (soixante CV), les réponses (aucune) et les relances prévues. On lui conseille d’y aller au culot et d’appeler directement ses interlocuteurs au téléphone – les chefs se voient souvent réserver les lignes fixes avec 01 ou 11 à la fin. Il sort de huit mois en contrat chez Amazon comme assistant en ressources humaines. Son travail consistait à éplucher les CV reçus et à réaliser des entretiens pour la multinationale du colis à domicile. Il a candidaté pour des masters en alternance dans le secteur de la culture et croise les doigts pour qu’une entreprise ou un service public veuille bien de lui afin de pouvoir apprendre. « Dans ma famille, personne n’a fait d’études. » Alors, il tâtonne, il s’accroche, cherche à comprendre comment fonctionnent les réseaux. « Ça va marcher, ça va marcher. »

 Chalon-sur-Saône, foyer de jeunes travailleurs, le 21 juillet 2021. Voici Nathanael Faivre, 27ans, résident au foyer.

Dans les couloirs et les chambres du foyer, c’est la réussite individuelle qui fonde l’espoir. Dans cette génération d’apprentis et de jeunes, loin des métropoles et de leurs mobilisations sur l’écologie, #metoo ou les violences policières, la croyance dans l’avenir se joue dans la promesse d’un emploi et d’une maison.

Dans la politique, cet obscur objet de débats, de passions, non. Trop éloignée. Trop déconsidérée. Trop complexe. « J’ai la nationalité française, je n’ai jamais voté, je ne saurais pas pour qui voter » (Nathanaël Faivre). « Je ne comprends pas la politique, je ne cherche pas vraiment à pousser. Ce qui est frustrant en politique, c’est qu’on parle beaucoup, mais que peu de choses se réalisent » (Maelys Bornier). « La droite et la gauche, je ne sais pas » (Alicia L.). « J’ai déjà voté mais je suis ça de très loin » (Carole Goestchel). « Je ne suis pas du tout intéressée » (Emmanuelle Martin).

On rapporte ces mots et la distance entre cette jeunesse et le monde politique à Hervé Thurin, venu boire un café et goûter la confiture avec Adelaïde à la fin du service : « C’est une génération vraiment attachante. Ils n’ont pas peur de l’échec, ils rebondissent. Mais la politique leur paraît si loin… Et comment ne pas les comprendre ? » Adelaïde acquiesce mais sa préoccupation est ailleurs, et elle le fait savoir au directeur : un des jeunes, mineur étranger, reste isolé tous les matins, faute de savoir parler français. « O.K., on va prendre un prof de français langue étrangère, je m’en occupe. »