«Lettre à mes compatriotes musulmans» : François Pupponi, l’homme de la synthèse

L’ancien maire de Sarcelles publie ce mois-ci «Lettre à mes compatriotes musulmans» (Le Cerf). Un essai qui conjugue invitation au dialogue et affirmation des valeurs françaises.
article par Rachel Binhas publié sur le site marianne.fr, le  29 05 2021

Note de lecture Trop souvent, les livres traitant de l’intégration en France se suivent et se ressemblent. Celui-ci sort du lot par l’expérience de terrain que possède son auteur. En effet, François Pupponi a été pendant vingt ans, sous l’étiquette socialiste, le maire de Sarcelles (Val-d’Oise). Cette ville multiconfessionnelle aux 40 nationalités est son laboratoire de recherche.
Les anecdotes, les discussions des Français musulmans, rythment les pages de cet essai. Et contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre, le livre s’adresse à l’ensemble des Français quelle que soit leur confession. Politique du logement, comparaison entre immigration asiatique et immigration arabo-maghrébine, racisme, antisémitisme, liberté d’expression… Pupponi passe en revue les sujets soumis à la controverse, et ce, sans infantiliser ou essentialiser les musulmans.
Il se réjouit également des réussites professionnelles de bien des musulmans, en France ou à l’étranger. Du monde médical à l’univers de l’entreprise, leurs success stories ne manquent pas. Une manière de répondre implicitement au discours victimaire entretenu par certains courants. «La vie en France des personnes de culture musulmane n’a rien à voir avec ces tragédies humaines.»
«CAMISOLE SOCIALE»
L’auteur se penche sur le type de lien social qu’il convient, selon lui, de favoriser en France : «Il ne s’agit évidemment pas de coexistence, le terme renvoyant au partage pacifique d’un territoire […]», ni du fameux vivre-ensemble qui «ne suppose aucune adhésion forte aux valeurs du pays d’accueil.» Le député du Val-d’Oise mise sur l’intégration, c’est-à-dire «la participation des populations migrantes à la société d’accueil par l’activité professionnelle», […] ainsi que «l’adoption des comportements familiaux et culturels.» D’aucuns soutiendront qu’il s’agit là d’assimilation plus que d’intégration…
Quoi qu’il en soit, Pupponi ne fait pas preuve de pudeur de rosière quand il s’agit de nommer les choses. Son ennemi ? L’islamisme. La mode indigéniste, l’idéologie antiraciste, très peu pour lui. L’ancien socialiste, désormais MoDem, ne cache pas sa déception quant à la ligne du laboratoire d’idées Terra Nova. Ce think tank de gauche, créé en 2008, a cru bon de remplacer la traditionnelle classe prolétaire par les immigrés, et plus particulièrement les musulmans. Une erreur selon Pupponi, pour ne pas dire une faute. «La thèse de Terra Nova est un retardateur d’intégration», estime-t-il. On enfermerait ces nouveaux prolétaires «dans une camisole sociale et une position victimaire qui vont fonctionner à l’instar des murailles d’un ghetto.»
Sans nier le réel, Pupponi ne cède pas pour autant aux passions tristes. L’intégration est loin d’être un vœu pieux pour ce républicain convaincu. Il insiste, la France est plus qu’une société, c’est une civilisation : «C’est aussi une nation qui ne se définit pas par le sang, mais par l’adhésion et qui accueille pour cela les arrivants, tous les arrivants.» Une réalité partagée, celle que représente la nation, fait encore partie des possibles.
– Illustration : François Pupponi et son livre Lettre à mes compatriotes musulmans, éditions du Cerf, mai 2021, 256 p., 20 €.