De son côté, malgré cette mère puissante, ma mère était terrorisée par l’Allemagne et les Allemands. C’était une de ces phobies propres à ceux qui ont vécu bébés des traumatismes par personne interposée, quelque chose qui s’était inscrit dans sa peau, dans sa mémoire, dans son ADN peut-être.
Comme je suis d’un naturel bizarre et provocateur, j’ai montré dès l’enfance une passion particulière pour l’Allemagne et les Allemands. Les enfants naissent parfois pour vous faire de drôles de blagues. Et parfois c’est vous qui leur en faites. Du côté de mon père, mon arrière-grand-mère était par exemple gouvernante dans un château en Allemagne, aux alentours de 1890. J’ai de nombreux ancêtres alsaciens et dans un petit village près de Mulhouse se trouve une statue de saint Thiébaut qu’on sort tous les ans de la cathédrale pour la balader dans les rues avant de cramer trois sapins devant une foule enthousiaste. Il y a certainement dans mes gènes le souvenir enfoui d’une germanité interdite. Mon petit frère parlait inexplicablement enfant avec un fort accent alsacien, alors qu’il était né à Toulon et que nous n’avions jamais été plus au nord que Montélimar pour passer des vacances chez notre oncle et notre tante.