Plusieurs membres de l’association Entourage, riverains, SDF et anciens SDF, ont écrit un livre, « Humains dans la rue » pour témoigner, expliquer la vie dans la rue et encourager à aller à la rencontre des plus démunis.
Extrait de L’ACTU n° 57 du mardi 30 octobre 2018, journal adolescent de notre partenaire Playbac presse
CONTEXTE
1/Rupture familiale, perte d’emploi, problèmes d’argent… Les raisons menant à la rue sont nombreuses.
2/Les personnes sans abri ont en commun la solitude. En France, environ 3 SDF sur 5 vivent seuls. Et 4 sur 5 disent ressentir le rejet des passants. Dans la rue, ils sont confrontés à la violence, la dévalorisation…
3/L’association Entourage, créée en 2014 par Jean-Marc Potdevin, a pour ambition de créer un réseau
de rencontres et d’entraide entre personnes sans abri et riverains, grâce à une application notamment.
Les faits
L’association Entourage a organisé ce mois-ci, à Paris, une conférence où des SDF, d’anciens SDF et des riverains ont raconté comment leurs rencontres avaient changé leur vie. L’ACTU y était.
« Un premier pas pour aller vers le monde »
Des personnes sans abri ou ayant vécu à la rue racontent comment créer des liens avec des riverains les a aidées. Extraits du livre « Humains dans la rue »
Ils ont dit
- Anne, 50 ans. « J’ai passé 17 ans à la rue. J’y ai été violentée, violée. À cause de nombreuses mauvaises rencontres, je me suis protégée. J’ai accouché dans la rue et je cachais mon bébé sous mon manteau, car j’avais peur qu’on me l’enlève. Un jour, une dame âgée qui me disait souvent bonjour s’est arrêtée. Elle m’a dit : “Je suis médecin et j’entends votre enfant.” J’ai eu très peur. Mais j’ai fini par ouvrir mon manteau pour qu’elle regarde mon bébé. Finalement, j’ai accepté de la suivre dans son cabinet. Ça a été un premier pas pour aller vers le monde. »
- Mehdi, 41 ans. « En 2010, j’ai perdu mon travail et mon appartement. Depuis, je suis sans domicile fixe. J’ai rencontré Claire, une bénévole en maraude. Je lui ai parlé de ma passion pour l’histoire de l’art et l’archéologie. Elle m’a mise en relation avec Shirley, de l’association L’Alternative urbaine, qui organise des visites dans Paris. Je suis devenu guide et je suis en train de reprendre ma vie en main. Dans l’association, j’ai rencontré Marion, en service civique. Sa joie de vivre m’a mis du baume au cœur ! J’essaie de retenir les bonnes rencontres. Quand on n’a plus de travail, de logement, d’estime de soi, quelqu’un qui s’ouvre à vous, c’est précieux. »
- Patrick, 22 ans. « J’ai vécu dans la rue entre l’âge de 17 et 20 ans, à cause de problèmes familiaux. Un hiver, je me suis rendu à l’hôpital, parce qu’il faisait très froid. Un médecin m’a aidé et m’y a trouvé une chambre pour trois mois. Cette première rencontre m’a ému. De retour à la rue, je suis allé à Paris. Je me suis installé dans un square, dans un jeu pour enfants : un château avec un toboggan. À l’époque, j’ai fait 10 tentatives de suicide. Un matin, un petit garçon m’a réveillé parce qu’il voulait faire du toboggan. Sa maman m’a parlé. On a sympathisé et elle m’a aidé, notamment pour laver mon linge. N’ayez pas peur d’aller voir les gens, ça réchauffe les cœurs ! Mes rencontres m’ont permis d’avancer. Je suis maintenant en service civique, hébergé dans un centre. J’ai un projet : créer un spectacle, que j’appellerai “Les talents de la rue”. »
M.A Maes
« Guérir l’exclusion grâce à la rencontre »
Un jour, ils ont décidé de proposer leur aide à des personnes sans domicile fixe, dans leur rue ou leur ville. Jean-Marc, fondateur de l’association Entourage, et Brigitte, riveraine, témoignent de leurs rencontres avec des SDF.
Ils ont dit
- Jean-Marc. « Je viens du monde des start-up, qui ont changé notre vie. Puis j’ai rencontré des SDF sur le trottoir et j’ai réalisé que personne ne s’intéressait à eux. Ils m’ont dit : “La solitude tue” ou “Je me sens comme un sac-poubelle sur le trottoir”. Je pense qu’on peut régler le problème en changeant le regard des riverains. On peut guérir l’exclusion grâce à la rencontre. »
- Brigitte. « Un jour, j’ai vu Jean-Marie à la télé : il était SDF et avait écrit un livre sur son parcours, aidé par un homme politique. Après avoir lu le livre, je me suis dit qu’il fallait que je le rencontre. Je suis partie à sa recherche dans Paris et je l’ai trouvé. Le lendemain, je suis revenue lui demander s’il touchait des aides : rien ! Alors, j’ai entrepris les démarches pour le sortir de la rue. Jean-Marie ne me croyait pas, il ne me faisait pas confiance. Finalement, j’ai trouvé le logement adéquat pour lui. Il a accepté de venir le visiter, et il m’a enfin fait confiance. Je voudrais que d’autres personnes s’investissent elles aussi. Sans faire des promesses impossibles à tenir, mais rien qu’en regardant la personne quand on lui donne une pièce. »
MOTS CLÉS
Maraude Ici, groupe de bénévoles d’une association humanitaire partant (de jour ou de nuit) à la rencontre de personnes à la rue.
Service civique Engagement volontaire au service de l’intérêt général, ouvert à tous les jeunes de 16 à 25 ans, indemnisé 580 euros par mois.
CHIFFRES CLÉS
49 ans C’est en France l’espérance de vie moyenne d’une personne vivant à la rue. Contre 79 ans pour un homme et 85 ans pour une femme pour l’ensemble de la population.
143 000 personnes n’ont pas de domicile fixe en France (chiffres 2017), selon une estimation de la Fondation Abbé-Pierre. La moitié d’entre elles vivent en Île-de-France (Paris et sa région).
30 000 enfants environ n’ont pas de domicile en France, selon une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Vivant seuls ou avec leur famille, ils dorment dans la rue, dans des centres d’accueil, à l’hôtel…
LE SAVIEZ-VOUS ? Quel terme désigne un sans-abri en anglais ? Homeless.