Bruxelles a présenté lundi de nouvelles mesures parmi lesquelles des sanctions obligatoires contre les entreprises qui profitent de la traite des êtres humains.
article par Fabienne Schmitt publié sur le site lesechos.fr le 19 12 2022
La Commission européenne a annoncé lundi un durcissement de son arsenal réglementaire contre la traite des êtres humains qui s’accroît partout dans le monde et brasse des milliards. « Chaque année, le trafic d’êtres humains fait 7.000 victimes, et encore, pour la part visible, car le phénomène est, en réalité, beaucoup plus étendu », a déclaré Ylva Johansson, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, en dévoilant une révision de la directive concernant le traite des êtres humains.
La Commission entend poser de nouveaux jalons, alors que ces crimes, qui prennent le plus souvent la forme d’exploitations sexuelles ou de travail forcé, profitent d’Internet et des réseaux sociaux, là où les trafiquants recrutent leurs victimes ou transfèrent leurs bénéfices.
L’exécutif bruxellois veut déjà agir pour régler un « problème d’impunité » selon les termes d’Ylva Johansson, qui mentionne que le nombre de personnes soupçonnées d’être impliquées dans de tels trafics augmente, tandis que les inculpations, elles, restent stables.
Parmi les mesures envisagées, Bruxelles veut rajouter les mariages forcés et les adoptions illégales dans le champ de la directive. « Jusqu’ici, c’était facultatif de la part des Etats membres et très peu l’ont fait. Donc, c’est pour ça que l’on propose maintenant de couvrir ces deux phénomènes », a justifié la commissaire.
Sanctions contre les entreprises
La Commission propose aussi des sanctions obligatoires contre les entreprises qui profitent du trafic illégal des êtres humains. Si ce principe était dans la directive, il n’était pas contraignant. « Il s’agit de les exclure des prestations publiques ou de fermer temporairement ou définitivement les établissements où l’infraction de traite a été commise », explique la Commission.
L’UE rend par ailleurs obligatoire la criminalisation de l’utilisation des services obtenus à partir des victimes d’un trafic. Ainsi, les personnes utilisant sciemment les services de victimes de la traite seront condamnées pénalement.
« Si l’exploitant, la personne qui profite de ces services sait de quoi il s’agit, c’est déjà un délit dans certains Etats membres, mais pas dans d’autres, a expliqué Ylva Johansson. Si vous exploitez une femme pour des raisons sexuelles ou que vous achetez des services d’une entreprise de construction chez vous, vous profitez des services de cette personne et c’est donc un délit. »
Bénéfices énormes
La Commission veut aussi mettre en place un mécanisme d’identification précoce et d’aide aux victimes, alors que trop souvent, elles ont peur d’être punies. « Pourquoi ce phénomène est-il tellement répandu ? Parce que les bénéfices sont énormes ! a encore souligné Ylva Johansson. Si on vend des armes ou de la drogue, on le fait une fois. Mais avec le trafic des êtres humains, des jeunes femmes, des enfants, on peut vendre cette personne à plusieurs reprises… »
Si elles sont adoptées par le Conseil et le Parlement européen, ces nouvelles règles devront ensuite être transposées par chaque Etat membre dans leur droit national. Début 2021, le Parlement européen avait réclamé à la Commission des « mesures plus strictes » contre l’« un des crimes qui enregistre la croissance la plus rapide ».
Ce sont essentiellement des personnes de sexe féminin et des enfants qui sont concernés. Et en majorité des citoyens de l’Union. Pas besoin de traverser les frontières : un tiers des victimes font l’objet d’un trafic qui se situe au niveau de leur propre pays. Le coût annuel de la traite des êtres humains dans l’UE atteindrait 2,7 milliards d’euros.