Le « j’aime ou j’aime pas » de Lilian Thuram

Enfant, il apprécie la musique classique mais n’ose pas en parler, par peur du regard des autres. Aujourd’hui il est le parrain du projet Démos, initiative menée par la Philharmonie de Paris et qui permet aux enfants de quartiers insuffisamment dotés d’institutions culturelles d’accéder à la pratique musicale.

« J’aime ou j’aime pas »…

… l’expression musicien amateur ?

Je pense qu’on est musicien avant tout. Amateur veut simplement dire que ce n’est pas notre métier. Donc oui, j’aime ! Je ne suis pas musicien et j’aurais aimé l’être, mais la musique n’arrive pas jusqu’à moi. Je me suis mis au piano il y a quelques années, mais à chaque fois que j’écoute ce que je joue, je me dis qu’il est préférable que j’écoute plutôt que je joue. Pour moi il y a des gens qui doivent écouter, d’autres pratiquer.

… la vulgarisation de la musique ?

C’est une très bonne idée, j’adore ! Mais que veut dire vulgariser ? Selon moi, c’est dire au gens que la musique classique c’est pour tout le monde. Je suis bien placé pour le dire. Quand j’étais enfant j’adorais la musique classique mais je n’osais pas en parler. J’habitais dans une cité et je me disais que je n’allais peut-être pas être compris, donc je me taisais. Donc oui, il faut vulgariser la musique classique, c’est une évidence. Il faut même vulgariser toutes les musiques.

… la forme du concert classique ?

J’aime bien. Dimanche je vais d’ailleurs à la Philharmonie de Paris, j’aime beaucoup ce lieu. Je m’adapte à tous les codes. Et d’ailleurs il n’y a pas une seule forme de musique classique ! C’est comme les gens qui disent ‘je n’aime pas lire’, ça n’a pas de sens : tout dépend ce que vous lisez, il faut aller vers ce qui vous intéresse. Dire ‘je n’aime pas la musique’ n’a pas de sens non plus, il y a plusieurs types de musiques, et pour le classique c’est pareil, il y a des compositeurs différents, des histoires différentes. C’est pourquoi il faut la vulgariser pour que les gens prennent conscience de cette diversité.

… les cours de musique au collège ?

C’est essentiel. J’ai des souvenirs de musique classique et de flûte à bec… j’étais d’ailleurs catastrophique ! Cet instrument me paraissait bizarre, éloigné de ma vie. Mais c’est très important la musique à l’école, on devrait même en faire plus en ouvrant le champ des possibles, aller vers toutes les musiques et proposer d’autres instruments que la flûte à bec. Quand j’étais enfant, on ne m’avait pas expliqué l’importance de la musique… Or ce qui est intéressant, c’est qu’elle permet d’intégrer une technique d’apprentissage, par répétition, comme les gammes. Quand j’étais jeune joueur de foot, à Monaco, j’ai commencé à prendre des cours de piano et ça m’a beaucoup aidé dans ma carrière de joueur de foot. J’ai compris qu’il était essentiel de faire les choses petit à petit pour avancer.

… l’écoute de la musique en ligne ?

J’aime le fait que la musique soit disponible à tout un chacun. Si on veut vulgariser la musique, c’est peut-être le meilleur moyen ! Concernant la gratuité, c’est autre chose, je ne connais pas assez bien le sujet pour savoir si les artistes sont contents sur Deezer. C’est important que la musique soit accessible mais il ne faut pas que les artistes et compositeurs soient lésés. En fait, je suis de l’ancienne génération, j’écoute des CD.

… Céline Dion ?

Est-ce que j’aime ou pas Céline Dion ? J’allais réponse : ‘Mais je ne la connais pas Céline Dion !’ (rires). J’aime bien sa musique… Mais pourquoi, il y a des gens qui n’aiment pas ?!

… le gouvernement Macron qui veut favoriser la chorale à l’école ?

C’est une très bonne initiative. Tout ce qui est en rapport à l’art et la musique est très important pour un individu. Une société qui inculque à l’école ces disciplines me paraît essentiel. Je trouve que l’on ne passe pas assez de temps autour de ces domaines-là.