Sequana, le dixième album de Suand Massi, la chanteuse et compositrice algérienne, est empreint de folk et de chaâbi, mais aussi d’ondes nouvelles venues de Syrie, des Caraïbes, du Chili et du Brésil. Onze chansons somptueuses en algérien, français et espagnol, qui célèbrent avec ferveur la vie et la Nature.
propos recueillis par Marjorie Bertin publiés sur le site musique.rfi.fr/ le 14 10 2022
RFI Musique : Sequana, une joyeuse ballade, est aussi le titre de l’album. Pourquoi donc lui donner le nom d’un personnage de la mythologie gauloise ?
Souad Massi : J’avais acheté une statuette. En faisant des recherches, j’ai découvert que c’était une copie d’une statue de Sequana, déesse de la guérison ! Il fut un temps où des gens faisaient des vœux à la Seine pour se soigner et se sentir réconfortés. Et moi, j’allais souvent au bord de la Seine quand je ne me sentais pas bien… Dans la chanson, je parle du mal-être des jeunes qui n’attendent plus rien. J’essaie de leur montrer qu’il faut profiter de ce que la vie apporte de positif. Quand on vous offre une rose, ne regardez pas les épines, mais les pétales qui sentent bon. Regardons l’art et l’avenir, lorsqu’il est prometteur. Et la nature.
D’où les marguerites sur la couverture de Sequana ?
Les marguerites représentent la résurrection. Leur présence, c’est ma façon de dire que, quand on a l’impression de toucher le fond, on peut revivre. Grâce à un ami, de bonnes paroles, un rayon de soleil.
Un artiste aussi très lié à la Nature, c’est le chanteur Piers Faccini que vous conviez sur Mirage…
J’aime beaucoup sa voix et sa personnalité. C’est un grand voyageur qui vit dans les Cévennes et qui est en permanence dans la recherche musicale. Quand je lui ai parlé de Mirage, qui raconte une quête de soi, ça lui a tout de suite parlé. C’est comme un compagnon pour marcher dans ce désert et ouvrir le chemin à d’autres qui veulent découvrir les mystères d’un voyage intérieur.
Le disque s’ouvre sur Dessine-moi un pays en arabe. De quoi parle-t-elle ?
J’imagine un artiste peintre. Lui seul pourrait me dessiner un pays qui n’existe malheureusement pas : un pays sans frontières où les gens vivent en paix. J’y parle de toutes les personnes qui fuient leur pays d’origine, forcées de le quitter à cause des régimes totalitaires, de la guerre, de la pauvreté. J’essaie de leur donner un visage, un nom et un espace où ils peuvent vivre dans la dignité, rêver, partager des petits bonheurs avec les gens qu’ils aiment.
Sur L’Espoir et Dessine-moi un pays, vous avez invité la flûtiste d’origine syrienne Naïssam Jalal…
Je l’ai découverte lors d’un festival et j’ai été très impressionnée par sa musique et son niveau. Cela avait du sens, par sa nationalité aussi, qu’elle participe à Dessine-moi un pays.
L’Espoir et Ciao Bello sont teintées de bossa nova. D’où vient cette influence ?
De ce que j’écoute ! J’adore la bossa, je travaille beaucoup avec des musiciens cubains et brésiliens. Ciao Bello parle de séparation, mais je voulais de la douceur. Et quand je pense à la douceur, je pense à la bossa.
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De quoi parle Victor ?
C’est un petit hommage que j’ai voulu faire à Victor Jara, un grand artiste chilien, tué par le régime de Pinochet, il y a longtemps. C’est un artiste qui n’a pas eu peur de mourir pour libérer son peuple et pour la liberté d’expression. J’avais envie de le faire découvrir aux jeunes. Il est vivant dans mon cœur.
Vous y fusionnez arabe et espagnol, flamenco et calypso. Ce goût permanent des mélanges vient-il de l’Algérie ?
Bien sûr ! Car elle se trouve au carrefour de plusieurs cultures, l’Afrique, le Maghreb, le Moyen-Orient, mais aussi l’Occident par la Méditerranée… Comme j’aime toutes ces musiques, je ne réfléchis pas en fait… Je continue mon chemin, j’ai une double culture que j’aime et porte naturellement et j’ai envie de continuer comme ça. Je me laisse porter par mes inspirations et je mets en avant le texte, je laisse la musique venir librement. Je ne me mets pas de frontières.
Sequana est également un album très engagé, n’est-ce pas ?
Je ne peux pas prendre de la distance par rapport à ce qui se passe dans le monde. Cela m’inspire et m’affecte beaucoup. Si ce n’était plus le cas, j’arrêterais de chanter. Je m’oblige à garder l’espoir et la flamme qui me donne envie de continuer à chanter. C’est aussi une responsabilité. Car, cela me gêne de le dire, mais je suis un « exemple » pour certains jeunes. Notamment pour des jeunes filles au Maghreb et au Moyen-Orient, qui rêvent de faire de la musique et des études. Je me dois d’être à la hauteur des personnes qui croient en moi.
Souad Massi Sequana (Backing Track Production) 2022
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