La recette, bien qu’improbable, semble être pourtant simple chez nous : Prenez un groupe de jeunes filles venues bénévolement de Belgique pour aider les Marocains d’un village reculé à terrasser des petites routes sous un soleil de plomb, un instituteur très en colère de voir ces mêmes jeunes femmes oser les petits shorts en terre d’islam et exigeant donc qu’on les « décapite » (naturellement !), et enfin un député PJDiste, « représentant du peuple » fanfaronne-t-il sur les réseaux sociaux, s’étouffant dans sa barbe malodorante après avoir louché quelques minutes sur les cuisses de ces bénévoles occupées à accomplir un travail respectable.
Voici aussi comment, de poil de barbe en aiguille, les projecteurs se sont braqués sur le Maroc, et comment les lumières aveuglantes ont fini par transpercer sa jolie vitrine toute de mensonges et autres fantasmes délirants drapée. Cette vitrine que nos dirigeants se donnent tant de mal à astiquer pour plaire au monde extérieur, pendant que l’arrière-boutique – celle que nous, Marocains, subissons et connaissons très bien – est bien loin des spots publicitaires et autres slogans vendeurs et imbéciles.
Oh ! Tout ceci est bien triste, je vous le concède, et tous ces journaux qui tirent à boulets rouges sur notre pays font mal, très mal même ! Mais cette fois-ci, je vais abonder dans le sens de tous ces médias qui titrent aujourd’hui « Le Maroc, destination très dangereuse pour les femmes » et leur donner partiellement raison. Oui, « partiellement », parce qu’ils commettent une erreur monumentale : le Maroc n’est pas uniquement une « destination » dangereuse pour les touristes de sexe féminin, il est d’abord et surtout dangereux tout court pour les Marocaines. Oui, le Maroc, cette destination tant prisée par les stars internationales – qui font la fierté des plus hautes sphères de l’Etat – qui se dorent la pilule aux abords des piscines les plus luxueuses, est le pays où les femmes ne peuvent plus porter un deux-pièces dans une plage publique sans se faire harceler, agresser ou potentiellement lyncher par leurs compatriotes qui ne comprennent pas que des « femelles » osent se dénuder pour le simple plaisir de nager. Les rues du Maroc, ce pays « instragrammable » et aux mille et un atouts, sont aujourd’hui interdites aux femmes qui ne peuvent circuler sans se faire « aborder », salement, par les mâles en rut qui pensent avoir un droit sur elles, aussi inconnues soient-elles et peu leur importe.
Le Maroc « ouvert » disent-ils, est un pays qui, à chaque fois qu’il « donne » un droit aux femmes (généralement après un enchaînement de scandales, de souffrances et des années de lutte), pense leur faire une fleur, alors qu’en réalité, il viole leurs droits et tout le monde se tait. Oh ! On marmonne bien entendu notre insatisfaction au micro d’une radio locale, sur les réseaux sociaux ou sur les pages d’un journal, mais on finit par prendre ce qu’il y a, on se console en regardant pire que nous et on finit par dire « merci ».
Le Maroc c’est aussi un pays peuplé de plusieurs clones dangereux de l’instituteur cité plus-haut, qui vont s’indigner d’une cheville dénudée, lancer des campagnes sommant les hommes de « couvrir leurs femmes » et qui ne piperont pas mot quand il s’agira de nos droits communs, fondamentaux, dont nous manquons dans la plus vile des cruautés. L’accès aux soins pour tous ? Dis-moi plutôt si tu jeûnes le Ramadan. L’éducation gratuite et de qualité ? Dis-moi plutôt avec qui tu couches. La justice équitable indépendamment de l’identité de chacun ? Explique-moi plutôt pourquoi tu n’es pas voilée. La corruption ? Montre-moi où sont les apostats, je vais leur faire la peau (…). Ce sont les piètres justiciers de l’Islam, qui poussent comme des champignons aux quatre coins du pays et personne ne semble avoir la solution miracle pour les freiner au pire, les éradiquer au mieux. Ils se feront aujourd’hui arrêter pour apologie d’acte terroriste, et sortiront demain par la magie d’une grâce royale. Et ils traceront leur petit bonhomme de chemin, devant les regards interloqués et les mines décomposées de leurs compatriotes. Les plus courageux leur feront peut-être barrage, et les plus las les fuiront et quitteront mère-patrie pour une contrée plus libre, la mort dans l’âme.
Le Maroc, c’est aussi le pays où un député trouve tout à fait normal de lyncher des bénévoles en s’attaquant à leurs tenues. Mais bon, quand il s’agit de discuter le fond, les médiocres polémiquent sur la forme et Ali El Asri est un médiocre. Ali El Asri, en voyant des femmes accomplir un travail censé être un boulot d’homme, médiatiser en plus la chose en montrant très naïvement au monde qu’on a besoin de bras étrangers pour rendre un peu de dignité aux oubliés du pays (parce que, je vous le donne dans le mille, ceux qui sont payés pour ça, « les élus du peuple », n’en font rien), a juste eu la haine et a préféré détourner l’attention sur un « problème » inexistant et verser dans le populisme. C’est une pratique très courante chez les PJDistes, et qui marche, parce que, voyez-vous, si Ali El Asri a commenté la longueur d’un short, c’est parce qu’il savait qu’il allait être entendu et ses propos approuvés par ses innombrables sympathisants. Et si l’instituteur a osé appeler à la décapitation des bénévoles, c’est parce qu’il savait que quelque part dans notre contrée, il a plein de clones parés à aller en guerre contre un ennemi imaginaire pour sauver l’Islam et accessoirement finir au paradis à copuler inlassablement avec de belles vierges tout en sirotant des vins du meilleur cru (Astaghfirou llah).
Heureusement, il reste encore d’innombrables Marocains, qui ne sont ni l’un ni l’autre. Ils sont ouverts, tolérants, attachés aux belles valeurs … À eux, je transmets mes plus sincères salutations même si leur parole reste, pour le moment, inaudible. Alors, bougez !