La pension de famille, moyen efficace et convivial pour lutter contre le sans-abrisme

Durée de séjour indéterminée

« La pension de famille est un dispositif d’accueil pour personnes isolées – contrairement à son nom – qui fait l’unanimité, souligne Bruno Morel, directeur d’Emmaüs Solidarité, qui en gère une vingtaine en région parisienne. C’est un immeuble à taille humaine, avec vingt-cinq à trente studios et de vastes espaces collectifs, salle à manger, de réunion, cuisine. Il est discret et sans souci pour le voisinage, puisque les riverains ne s’aperçoivent parfois même pas de sa présence. »

C’est le cas de la pension Floréal, un immeuble haussmannien sur lequel pas même une plaque ne trahit la vocation. « Il y a une vie collective, mais jamais obligatoire. Un couple d’hôtes habite sur place, assure l’accueil, le soutien social, les déjeuners communs, des bénévoles animent des ateliers, assurent des sorties culturelles, sportives, récréatives pour ceux qui en ont envie. »

Les locataires ont un bail qui ouvre droit à l’allocation-logement. Ils peuvent meubler les lieux comme ils le souhaitent et restent aussi longtemps qu’ils veulent sans risque d’être mis à la porte. La durée de séjour est, en général, de cinq ans. Certains partent, d’autres y finissent leur vie.

Jean-Marc, arrivé en juillet 2019, songe, lui, à rejoindre bientôt son Cantal natal qu’évoquent des photos de verte campagne accrochées aux murs du confortable appartement. Auvergnat, arrivé à Paris en 1984, il a été garçon de café : « On bossait douze, treize heures par jour, parfois plus, et on buvait pas mal, c’est fréquent dans ce milieu. » Un infarctus, en 2016, suivi de graves complications l’empêchent, aujourd’hui, de travailler : « Je ne peux plus marcher, alors que j’en ai fait, des pas ! Je gagnais d’ailleurs bien ma vie, mais j’ai tout dépensé dans des conneries. » L’allocation pour adulte handicapé de 920 euros par mois, tandis que son loyer est de 170 euros, lui permet une vie en toute autonomie, « mais entouré. Je ne suis pas seul, et dans un quartier que je connais par cœur parce que j’y ai travaillé ».

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Des élus « réticents »

La France compte environ 1 000 dispositifs « pension de famille » proposant 21 000 places, alors que les besoins sont d’au moins le triple. « Depuis 2017, grâce au plan Logement d’abord, l’Etat a agréé 6 839 places en pensions de famille, pas encore toutes ouvertes, et nous atteindrons les 7 500 fin 2022, se félicite Nicolas Démoulin, député (La République en marche) de l’Hérault, très investi sur ce sujet. C’est encore loin de l’objectif de 10 000 studios, mais c’est deux fois plus qu’au cours du précédent quinquennat 2012-2017. Le dispositif est très pertinent, son modèle économique fonctionne, les associations gestionnaires perçoivent 18 euros par jour et par personne pour assurer l’accompagnement. Tout le monde y trouve son compte, y compris les villes carencées en logements sociaux qui peuvent comptabiliser les pensions de famille dans leur quota. »

Nexity est le premier et, pour l’instant, le seul promoteur privé à susciter la création de pensions de famille. « Dans chaque opération d’aménagement, Christian Dubois, qui préside notre fondation Nexity Non Profit, examine cette possibilité, avec, bien sûr, l’accord des élus, explique la directrice générale de Nexity, Véronique Bédague. C’est en sortant d’une conférence sur la smart city et la ville connectée qu’avec Alain [Dinin, fondateur et président du groupe Nexity], nous nous sommes dit que la ville connectée durable devait faire une place à tout le monde et n’admettait pas qu’il y ait des gens à la rue. »