Une pension de famille permet de louer un studio pour un loyer très bas, dans un petit immeuble géré par un couple d’hôtes qui vit sur place. On en compte environ 1 000, pour 21 000 places dans ces pensions de famille alors que les besoins sont d’au moins le triple.
article par Isabelle Rey-Lefebvre publié sur le site lemonde.fr , le 09 05 2022
« Moi qui suis mort plusieurs fois, ici, je revis », blague Pierrot, 65 ans. « Ici », c’est un studio de la pension de famille Floréal, en plein 14e arrondissement de Paris, géré par l’association Emmaüs Solidarité, où Pierrot a emménagé en octobre 2021. « J’ai ma clé, ma boîte aux lettres, je suis en sécurité et, surtout, j’ai renoué avec mon fils Johnny », 45 ans aujourd’hui, dont il était sans nouvelles depuis près de trente ans et qui lui a offert le tee-shirt qu’il ne quitte plus. Ses mille morts, c’est un grave accident de Mobylette, à 17 ans, qui lui a fracassé la tête, et, depuis, une vie chaotique dans toute l’Europe, divers boulots à Bruxelles, à Toulouse, à Nice, à Madrid, à Luxembourg, et des périodes où il lui est arrivé de faire les poubelles, de dormir dans les souterrains du Forum des Halles, de naviguer de foyer en centre d’hébergement…
Son voisin et ami, Pierre, 62 ans, est arrivé en juillet 2019, il y aura bientôt trois ans. « J’étais technicien supérieur informatique quand ma mère a été diagnostiquée Alzheimer et j’ai dû m’occuper d’elle », confie-t-il. Malade à son tour, il n’a jamais repris son activité et trouve, dans cette pension de famille, un refuge après un séjour dans une famille d’accueil thérapeutique : « C’est fantastique, je suis complètement indépendant mais pas isolé, il y a une bonne ambiance. »
Tous deux paient, pour leurs 18 à 25 mètres carrés, un loyer mensuel de 170 euros, imbattable à Paris, dans un quartier bourgeois où rien ne manque.