La crise sanitaire met sous tension l’hébergement d’urgence en Ile-de-France. Les besoins ont explosé et les places manquent. Privée de touristes, la direction de l’hôtel Avenir Montmartre a contacté Emmaüs pour que ses chambres ne restent pas vides. Reportage.
article par Maïram Guissé publié sur le site leparisien.fr le 19 11 2020
Trouver des solutions d’hébergement d’urgence, c’est depuis plusieurs mois un enjeu majeur en Ile-de-France. Alors, quand l’association Emmaüs solidaire – qui suit quotidiennement 5000 personnes dans la région et gère une cinquantaine de structures — a été contactée par le propriétaire de l’hôtel Avenir Montmartre à Paris (IXe), impossible de refuser cette opportunité.
« Il nous a proposé de mettre à disposition son établissement pour une durée d’un an, explique Bruno Morel, directeur général, qui ce mercredi après-midi nous accueille dans cet établissement transformé depuis le 6 novembre en centre d’hébergement d’urgence (CHU). En 48 heures, tout était prêt, félicite-t-il, conscient de la pression des demandes. Il faut trouver des lieux si possible sur une longue durée qui ne nécessitent pas trop de travaux. Tout l’intérêt c’est qu’ici tout était déjà équipé, et chaque chambre a ses sanitaires individuels. Soixante personnes sont déjà accueillies, il y en aura 85, réparties dans 42 chambres, d’ici à la fin de la semaine », précise Bruno Morel.
La salle du petit-déjeuner aux banquettes rouge bordeaux s’est transformée en réfectoire et la salle de réception en point d’accueil où s’élève une plaque de plexiglas, Covid oblige. Un peu partout d’ailleurs, sur les murs, les machines à boissons, différentes affiches rappellent les bons gestes barrière à avoir.
« Tout a été pensé dans le respect du protocole sanitaire, insiste Bruno Morel tout en faisant office de guide dans cet hôtel. Nous sommes sur un public masculin, âgé d’une quarantaine d’années, certains ont connu de grosses ruptures sociales, familiales ou ont des parcours traumatiques d’exil, une santé parfois fragilisée, d’où la présence régulière d’un infirmier. Certains travaillent dans le gardiennage, le bâtiment ou étaient serveurs… Ce sont des personnes qui ont une volonté de trouver des solutions. »
«Je ne comprends pas comment on peut laisser un homme de 68 ans dehors…»
Parmi elles, Lucas et Ali* (les prénoms ont été modifiés), installés dans des chambres du deuxième et premier étage et qui rêvent de meilleurs jours. Pantalon noir, chemise blanche, cheveux gominés, Lucas, retraité est ici « depuis huit ou dix jours ». Il espère « reprendre une vie normale » bientôt : « J’avais une retraite de 800 euros et puis je me suis retrouvé en 2016 avec 200 euros à cause d’un problème administratif ». Il se retrouve alors à la rue au niveau du métro Charles-de-Gaulle-Etoile à Paris (VIIIe). « C’était l’horreur », témoigne-t-il. Il se souvient de ses coups durs, explique avec pudeur, « la perte de moral » puis l’aide d’Emmaüs solidarité. « Je ne comprends pas comment on peut laisser un homme de 68 ans dehors… » susurre-t-il.
Ali, 45 ans, se rappelle ses « deux années dehors sans pouvoir se laver correctement » avant d’entrer dans un centre d’hébergement dans le XVIIIe, puis d’intégrer celui de l’hôtel Avenir il y a une semaine. « Je me sens aidé, on est accompagné pour appeler le médecin, faire nos papiers, insiste-t-il. Ça fait du bien », précise-t-il tout en autorisant la visite de sa chambre partagée avec un anglophone, qui assit sur la couverture rouge d’un lit individuelle, regarde attentivement un western à la télé.
Dans ce centre d’hébergement d’urgence (CHU), une équipe de dix personnes est présente en continu et propose « un accompagnement social », insiste Bruno Morel. Ce n’est pas le seul lieu qui a dû être transformé en CHU.
Trouver des places disponibles, mission impossible ?
Quelques jours après l’ouverture de l’hôtel de l’Avenir, Emmaüs solidaire investissait effectivement une auberge de jeunesse dans le XXe arrondissement de Paris. Là encore, il a fallu repenser les lieux qui aujourd’hui peuvent accueillir « 120 places ». Une troisième opération a permis la création de « 17 places dans un pavillon pour des personnes SDF suivies par la maraude du Bois de Vincennes. Nous avons encore une dizaine de projets dans ce genre. Cette année est particulière, entre la crise sanitaire et la période hivernale, répète Bruno Morel. Toutes les associations sont mobilisées pour trouver des solutions, l’enjeu c’est le bâti, il y a une urgence à trouver des places très vite. »