Dans une tribune au Parisien-Aujourd’hui en France, Frédéric Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, estime que la haine n’a pas sa place dans les stades et que la mobilisation contre le racisme doit être générale.
La saison 2018-2019 a été marquée par des incidents racistes, antisémites et homophobes : insultes à l’occasion du match Ajaccio – Le Havre , chants homophobes lors du dernier clasico OM – PSG , cris de singe contre le capitaine d’Amiens Prince Gouano face à Dijon, banderole homophobe lors du match entre Lens et Grenoble. Le foot amateur n’est pas non plus préservé, comme l’attestent les graves incidents racistes entre deux clubs alsaciens qui ont eu lieu au printemps 2018. Face à ce malaise, la mobilisation doit être générale.
Les condamnations officielles sont utiles mais ne suffisent pas. Elles doivent être accompagnées par des actions de terrain. On peut se féliciter à ce titre du lancement d’une mission parlementaire sur le supportérisme, confiée aux députés Marie-George Buffet et Sacha Houlié, qui commencera ses travaux à la rentrée. Le nouveau règlement disciplinaire de la Fifa prévoit pour sa part qu’un match pourra être définitivement arrêté par l’arbitre à cause de comportements racistes et/ou discriminatoires et qu’il sera alors déclaré perdu « sur tapis vert ».
Cette mesure certes extrême permettra de couper court à des comportements souvent isolés mais insupportables. Dans le prolongement des déclarations du président de la République et de la ministre des Sports, pourquoi ne pas envisager de l’appliquer à l’ensemble des compétitions et à tous les sports ? Redisons-le avec force, la haine n’a pas sa place dans les stades !
L’engagement de la Ligue de football professionnel, dont la présidente Nathalie Boy de la Tour a impulsé la diffusion de brochures et de courtes vidéos à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre l’homophobie le 17 mai, est également à saluer. Quelles belles images que ces brassards arc-en-ciel portés par les capitaines de Ligue 1, et que ces logos de clubs redessinés aux couleurs du combat contre la haine !
Citons aussi les actions exemplaires d’associations antiracistes telles que Sportitude ou la Licra qui visent à identifier les comportements haineux dans les tribunes d’une petite minorité. La Fondation Lilian Thuram , Foot Ensemble de Yoann Lemaire, la compagnie de théâtre le Trimaran, SOS Homophobie font par exemple un travail considérable pour prévenir les actes et les discours de haine en intervenant dans les établissements scolaires ou les centres de formation.
Et parce qu’on ne naît pas supporteur mais qu’on le devient, la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) a signé une convention avec l’Union nationale du sport scolaire (UNSS) pour que le sport à l’école soit l’occasion de promouvoir des valeurs de respect et de fraternité.
En 2019-2020, je veux pouvoir emmener mon fils au stade sans avoir à lui expliquer la signification de chants violents et blessants. Ne pas avoir à lui mettre sous les yeux des exemples de bêtise humaine. Qu’il puisse profiter du spectacle dans une ambiance festive et chaleureuse, à l’image de la grande fête que fut la Coupe du monde féminine cet été. Qu’il puisse découvrir des sportifs engagés comme la capitaine américaine Megan Rapinoe, qui assume un combat courageux en faveur de l’égalité. Je ne suis pas naïf, le football ne pourra jamais être un remède à tous les maux de la société. Il peut néanmoins contribuer de manière décisive à changer les mentalités. Pour reprendre les paroles d’Antoine Griezmann en une de « Têtu » : « Maintenant, ça suffit ! »
Frédéric Potier, préfet, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT.