Foot: le racisme pris en compte, l’homophobie encore taboue
Les actes racistes et homophobes sont punis par la loi et par les règlements de foot. Pourtant, ils sévissent encore dans les stades. Et les instances du foot français « ne reconnaissent pas l’homophobie comme une discrimination spécifique » dossier du journal l’Actu édité par notre partenaire Playbac presse, publié le 18 04 219
Les faits
Le 17 mars dernier, lors du match PSG-OM, des supporters ont entonné des chants homophobes («pédés», «enculés»). Vendredi 12 avril, des cris racistes ont été proférés par un supporter dijonnais à l’encontre du défenseur d’Amiens Prince Gouano (L’ACTU no5886).
En décembre, un supporter de Tottenham avait jeté une peau de banane sur le terrain en direction du Gabonais eau de banane sur le terrain en direction du Gabonais d’Arsenal, Pierre-Emerick Aubameyang.
Comprendre
•Quelle est l’ampleur du problème ? Des joueurs sont régulièrement visés par le racisme venant des tribunes (insultes, jets de banane…). Le problème existe partout: Italie, Espagne… En 2018, lors d’un match amical des Bleus à Saint- Pétersbourg (Russie), des cris de singe fusaient des tribunes russes lorsque Paul Pogba et Ousmane Dembélé jouaient. «Dans le langage des tribunes, les insultes sont récurrentes. Cela fait partie de la culture du foot», déclarait Nicolas Hourcade, de l’Instance nationale du supportérisme, en mars à l’AFP. Le but est de déstabiliser l’adversaire. «PD est malheureusement une insulte banale, voire inconsciente», constate Julien Pontes, de Rouge direct, collectif contre l’homophobie dans le foot.
•Quelles sont les sanctions? Dans les règlements internationaux et français, des sanctions existent contre le racisme. Et elles sont parfois appliquées : interdictions de stade et d’abonnement, condamnations pour les supporters, amendes pour les clubs ou les fédérations… En 2017, la Ligue de football professionnel (LFP) avait imposé trois matchs de suspension à la tribune des ultras de Bastia, après des insultes à l’encontre du Niçois Mario Balotelli. Et elle avait retiré un point (avec sursis) au club corse. En 2008, Lilian Thuram, champion du monde 1998, a créé la fondation Éducation contre le racisme : «Quand j’étais joueur, j’ai entendu des cris de singe. Mais selon les dirigeants, ce n’était pas si grave, expliquait-il à L’ACTU en mai 2018. L’arbitre peut arrêter le match quand il y a des actes ou des insultes racistes. Malheureusement, on n’arrête pas un match, car on n’arrête pas un business.» Julien Pontes, lui, déplore que «la Fédération française de foot (FFF) et la LFP ne reconnaissent pas l’homophobie comme une discrimination spécifique à combattre, au même titre que le racisme». Il souhaite, par exemple, que les stadiers aient davantage de moyens pour constater les délits homophobes.
Hugo Lloris (Tottenham) porte le brassard arc-en-ciel, ugo Lloris (Tottenham) porte le brassard arc-en-ciel,
couleurs symbolisant la communauté LGBT.
•Comment agir? En France et au niveau international, l’engagement contre le racisme s’affirme pourtant. L’UEFA (fédération européenne) envisage même d’encourager les arbitres à arrêter les matchs en cas d’incidents. De son côté, Nicolas Hourcade, de l’Instance nationale du supportérisme, prône un dialogue avec les supporters pour fixer les limites. Afin de lutter contre l’homophobie, des actions médiatiques tentent de rendre l’homosexualité plus visible dans les stades. Exemple: fin 2018, l’arc-en-ciel LGBT a été arboré en Premier League (L1 britannique), sur les tableaux d’affichage, les brassards des joueurs… En France, «il faut des actions d’éducation, former les arbitres, les protéger des agressions, aider les entraîneurs à parler aux jeunes…, recommande Julien Pontes. On mène bien des campagnes de prévention à l’école. Où est la cohérence si les enfants voient qu’au stade, les discriminations ne sont pas punies?» En 2008, une charte contre l’homophobie avait d’ailleurs été signée par la LFP et neuf clubs professionnels français (sensibilisation des jeunes, formations…), avant de tomber dans l’oubli. «Il n’y a plus rien aujourd’hui», dénonce Julien Pontes. Effectivement, aucun résultat n’apparaît quand on cherche le mot «homophobie» sur le site Internet de la FFF. La solution passe sans doute aussi par l’engagement des joueurs homosexuels. Mais dans le foot, les coming out sont rares. Et pour cause: «Je n’encourage pas un joueur à le faire, ce serait le mettre en danger», déplore Julien Pontes. S. Lelong
Mots clés
Coming Out Fait de révéler à sa famille, ses amis, ses collègues de travail … qu’on est LGBT.
Hooliganisme Comportement de hooligan, supporter fanatique commettant des violences et participant à des bagarres avec le camp adverse, y compris en dehors des stades (il est souvent interdit de stade).
LGBT Lesbiennes, Gays, Bisexuel(les) et Transgenres.
Stadier Agent d’accueil du public et de sécurité dans un stade.
Sursis Sanction appliquée en cas de récidive.
Ultra Supporter passionné, voire fanatique.
L’avis de notre rédac’ chef du jour
Mickaël : C’est très important de dénoncer les actes racistes et homophobes dans le sport, en particulier dans le foot. Il faut des punitions encore plus sévères pour les coupables, comme c’est le cas en dehors des stades.
Chiffres clés
2 sur 5 C’est la part des footballeurs professionnels ayant déclaré des opinions « hostiles à l’homosexualité » en France, selon une enquête de 2013 pour le Paris Football Gay.
277 Interdictions de stade ont été prononcées lors de la saison 2017-2018 de la Ligue 1 en France, selon la Direction nationale de lutte contre le hooliganisme.
3 ans d’interdiction de stade. C’est la peine infligée à un supporter du cub anglais de Chelsea qui avait crié des insultes homophobes, à Brighton le 16 décembre 2018.