L’atelier que j’anime à Sciences Po avait du reste pour thématique cette année la façon dont on pouvait disrupter la présidentielle française avec une stratégie à la Wikileaks. En pratique, c’est prendre un peu d’avance, car même si les signaux faibles sont évidents et que 2022 se fera sur le modèle disruptif inauguré par la campagne de Donald Trump, la France a traditionnellement un temps de retard sur les USA en matière de technologie. Les présidentielles de 2017 se feront encore sur une approche vieillissante de la façon dont on mène une campagne électorale, tout juste “transformé digitalement” à grand coup de “civic tech”, sur le modèle de ce qui a fait gagner Obama en 2008 et 2012, et de ce qui donnait au camp Clinton l’illusion de posséder une longueur technologique d’avance.
Pourquoi enseigner à des étudiants une façon “de disrupter la présidentielle française avec une stratégie à la Wikileaks” ?
Parce qu’il me semble essentiel que les futures générations de décideurs soient conscientes que ce qu’on leur apprend traditionnellement en matière d’internet ne sont que des ombres dans la caverne, et qu’à mon sens, l’enseignement doit permettre de sortir de la caverne afin d’appréhender les choses avec du recul. Je l’enseigne également parce que ces phénomènes sont à l’œuvre depuis plusieurs années et que j’ai eu – très naïvement – l’illusion que les porter à la connaissance du plus grand nombre permettrait de prendre les devants et éviter le pire. Cela fait des années que les gens comme moi annoncent que la surveillance de masse allié à la Big Data détruira la démocratie, j’aurai beaucoup aimé que nous n’en arrivions pas à Trump pour en faire la démonstration.