« En prépa, j’étais perçue comme une banlieusarde »

Oui, je me sentais vraiment différente. La moitié de mes camarades de prépa sortaient de lycées privés ou de très bons lycées parisiens du type Victor-Duruy. Et puis le 16e, c’est un quartier ségrégué, où il n’y a que des petits bobos. Mon prof de géographie et de géopolitique n’avait pas tort quand il nous expliquait que le 16e, c’est un quartier d’entre-soi. Pour m’amuser, il m’arrivait même de compter le nombre de minorités que j’apercevais dans ce quartier, tellement je ne me sentais pas à ma place. Nous n’étions pas nombreux. C’était vraiment un mode de vie différent.

Une classe « remplie de Blancs »

Mais ça, c’était avant de rencontrer des personnes comme moi, de mon milieu social et de rencontrer ma prof de philosophie, algérienne, qui comprenait notre malaise et nous valorisait. Elle aussi avait été en classe préparatoire, à Louis-le-Grand, et elle était la seule Arabe dans sa classe. Ce qui explique pourquoi elle était aussi compréhensive et exigeante envers nous. Car elle avait vécu ce que je décris, et elle voulait qu’on réussisse. On n’était que deux Noirs et trois Arabes dans une classe remplie de Blancs.

« La majorité des gens de banlieue ont abandonné à mi-parcours, parce que ce n’était pas leur délire »

On a formé une clique et, ensemble, on s’est rendu compte de notre privilège d’être ici en tant que minorités. La prépa, c’était vraiment un autre délire ! J’avais l’impression que si je m’intéressais à autre chose que la littérature, comme le rap français ou les téléréalités, et que j’avais le malheur de reprendre des expressions argotiques de là d’où je viens, je perdais toute crédibilité en tant que « littéraire » et « intellectuelle ».