Yahya Achou Ouiy est né en Italie où ont immigré ses parents, d’origine marocaine, avant d’arriver à Lille il y a trois ans. Yahya ne parlait pas français. Il vient d’obtenir son bac scientifique avec 20,42 de moyenne. Entre deux partitions de piano et le terrain de basket. Portrait d’un garçon qui aime les problèmes.
article d’Angélique Da Silva Dubuis publié sur le site lavoixdunord.fr, le 12 07 2019
Ce garçon plein de génie se sent tout léger depuis quelques jours, à bien des égards. « Avec mes potes, j’ai fait le pari de me couper les cheveux si j’avais le bac avec mention. J’avais une énorme touffe, j’y passais des heures ! » Il a tenu parole pour le plus grand bonheur de sa maman à qui il dédie son bac : « Je viens d’une famille modeste, mes parents ont fait l’impossible pour qu’on fasse des études. Je suis heureux de leur faire ce cadeau. » Son baccalauréat spécialité mathématiques en section européenne anglais au lycée Faidherbe, Yahya l’a décroché avec mention « très bien ».
« Je n’avais même pas les mots pour expliquer à ma prof que je n’y comprenais rien. »
Sa famille s’est installée à Fives il y a trois ans après avoir vécu à Rome où sont nés Yahya et ses deux sœurs. Il appréhendait son arrivée à Lille : « Je me sentais bien à Rome, j’y avais tous mes amis. Les gens sont très ouverts, ce n’est pas du tout l’Italie qui repousse les migrants comme on la voit en ce moment… À Lille, j’ai vite retrouvé cette spontanéité, ce côté multiculturel. »
« Je parlais avec les mains ! »
Quand il débarque au lycée Faidherbe, Yahya parle à peine français. C’était sa LV2 au collège en Italie. Il est passé des leçons de grammaire à… Gustave Flaubert. « Je n’avais même pas les mots pour expliquer à ma prof que je n’y comprenais rien. » Et de confier dans un éclat de rire : « C’est cliché mais je faisais vraiment l’Italien : je parlais avec les mains ! »
Son cœur phosphore depuis toujours pour les mathématiques. « Ce que j’aime, c’est l’universalité des maths. Rien de ce qui nous entoure n’existerait si on n’avait pas découvert les mathématiques. »
Yahya peut passer des heures à noircir des cahiers pour résoudre des équations et autres conjectures. Son rêve : trouver la solution à l’un des sept problèmes non résolus qui obsèdent les plus grands mathématiciens. Et pourquoi pas tenter sa chance aux Prix des problèmes du millénaire lancé par l’ Institut de mathématiques Clay aux États-Unis. Avec un million de dollars à la clé. Ce n’est pas l’argent qui fait rêver Yahya : « Ces problèmes peuvent ouvrir tellement de portes en physique, en ingénierie, en médecine… »
Son autre passion : la cuisine
20 en SVT, 20 en physique, 20 en histoire-géo, 20 anglais et en italien, 19 en mathématiques, 17 en philosophie… Et un petit bonus grâce au latin et à l’athlétisme. Son relevé de notes pointe à 20,42 de moyenne. « J’ai travaillé comme un fou », raconte ce garçon au mental de sportif. Il a évolué en championnat de basket et joue au club Jeune France Lambersart. Quand il n’est pas sous les paniers, Yahya est au piano. Dans sa playlist, Mozart côtoie de la pop américaine. Heureuse équation pour celui qui se passionne aussi pour la cuisine : « Je m’amuse beaucoup entre ma culture arabe, italienne et française ! » Le surdoué des maths a passé le casting de Master chef junior l’an dernier.
À peine remis du bac, l’étudiant de 17 ans prépare désormais le prestigieux concours de la faculté de mathématiques de La Sapienza, l’université de Rome. « Oui, ce sera un pincement de quitter de Lille mais j’ai très envie de voyager, de rencontrer d’autres mondes, d’autres langues, d’autres traditions. Parce que c’est que je suis. Et c’est un trésor. »