Avec l’UNESCO, Rome a créé une force spéciale pour sauvegarder la culture menacée par les conflits et les catastrophes naturelles. Les premiers casques bleus de la culture ont achevé leur formation et attendent leur première mission
article parAntonino Galofaro, publié sur les site letemps.ch, le 28 07 2016
Les « Monuments Men » du XXIème siècle sont Italiens. À l’instar de Matt Damon ou Jean Dujardin dans le film de Georges Clooney, des militaires, des historiens de l’art ou encore des restaurateurs transalpins peuvent désormais être appelés dans des zones de crise pour sauvegarder le patrimoine culturel de l’humanité. Leur champ d’action n’est plus l’Europe de la seconde guerre mondiale, mais le monde entier.
Des carabiniers et des experts civils composent une task force d’une soixantaine de membres devant protéger les sites et les biens culturels menacés par des conflits ou des catastrophes naturelles. La signature en février d’un accord entre le gouvernement italien et l’UNESCO a permis sa création. Il s’agit pour le ministre des biens culturels, Dario Franceschini, d’un «succès italien au nom de la défense de la culture et de la civilisation».
L’Italie avait soumis l’an dernier à l’Assemblée générale des Nations Unies l’idée de «casques bleus de la culture», née lors de l’exposition universelle de Milan, où 80 ministres de la culture avaient signé une déclaration commune sur ce thème. Le but était d’inclure la question culturelle dans les missions de maintien de la paix de l’ONU.
Palmyre, la cité antique dans le centre de la Syrie, occupée par les djihadistes de l’Etat islamique puis libérée, a été citée comme le lieu d’une possible première mission. Or le pays «est encore en guerre», nuance le colonel Alberto Deregibus, du commandement des carabiniers pour la tutelle du patrimoine culturel, laissant comprendre qu’un cadre d’intervention précis reste encore à définir.
Protéger les sites à risques
Son équipe de plusieurs centaines de personnes spécialisée dans la culture au sein du corps des carabiniers coordonne la task force. Sur le papier, elle doit organiser la protection de sites dans des lieux à risques, former du personnel sur place pour la tutelle des biens et lutter contre le trafic d’art.
«30 carabiniers se sont portés volontaires pour en faire partie», explique le vice-commandant. Les 30 autres membres de la task force sont des civils. «Ils continuent de travailler normalement, poursuit Alberto Deregibus. Ils quitteront leur poste seulement quand ils seront appelés» par un pays membre de l’UNESCO.
Giovanni* imagine des missions similaires à ce qu’il a pu voir dans des chantiers autour de la Méditerranée, en Afghanistan ou encore au Népal. Cet architecte spécialisé dans la restauration de monuments archéologiques s’est porté volontaire. Intégrer les casques bleus de la culture est pour lui une «vocation naturelle». Il préfère rester anonyme pour des raisons de sécurité.
Son travail dépendra du pays et du site où il sera appelé. Au Népal par exemple, après le séisme qui avait provoqué plus de 8000 morts en avril 2015, il avait dû monter un laboratoire pour récupérer et restaurer des fresques et des œuvres d’art détruites. Il avait ensuite formé du personnel pour l’aider dans la gestion de ce patrimoine puis pour prendre sa relève.
Il craint cependant que sa nouvelle mission ne soit plus difficile. Giovanni et ses 59 autres camarades de la première promotion de caques bleus de la culture ont ainsi dû suivre une formation spéciale, après plusieurs visites médicales. Dans une caserne de parachutistes à Livourne, il a appris les procédures de premiers secours ou le comportement à adopter lors de situations dangereuses, comme lors d’un enlèvement. La formation s’est conclue à Rome avec des cours théoriques.
L’Italie comme modèle
Jamais les 60 casques bleus ne seront appelés en même temps. Des plus petites équipes seront composées selon les besoins des diverses situations à affronter. La task force ne demande qu’à s’agrandir, des universitaires ayant déjà fait part de leur motivation. Un centre de formation doit ouvrir à Turin, où des cours et des activités de recherche seront organisés.
Le pays aux innombrables sites inscrits au patrimoine mondial de l’Humanité veut se poser en modèle dans la protection de la culture. Il espère ainsi que d’autres pays suivront son exemple et que les casques bleus de la culture ne restent pas uniquement italiens. Car la Péninsule voit dans cette formation également un outil pour lutter contre le terrorisme. Après les attentats de Paris, le président du Conseil italien, Matteo Renzi, avait affirmé vouloir investir autant dans la culture que dans la sécurité.
*nom d’emprunt