Comment les super-riches payent pour échapper à la crise climatique

L’ONU appelle cela « l’apartheid climatique ». Depuis quelques mois, face aux impacts réels du changement climatique, les super-riches investissent dans des bunkers qui purifient l’air, dans des services médicaux spécialisés, ou prévoient, grâce à des entreprises privées, leur évacuation en cas de problème, raconte le Financial Times. Alors que les plus pauvres subissent directement les effets de la crise climatique, les super-riches, eux, pourraient y échapper.

article par Marina Fabre publié sur le site novethic.fr le 24 12 2020

Ils se réfugient (!) dans des bunkers filtrant l’air pollué lors d’incendies, sous-traitent à des entreprises privées des plans d’évacuation d’urgence, sollicitent des services médicaux spécialisés… les super-riches ont des airs de survivalistes. Ils ne se préparent pourtant pas à l’apocalypse mais aux impacts du changement climatique. C’est ce que révèlent nos confrères du Financial Times dans un article publié à la mi-novembre. « Les incendies meurtriers qui ont ravagé la côte ouest des États-Unis et la perspective d’une nouvelle épidémie qui pourrait durer plus longtemps que le Covid-19 ont suscité l’intérêt d’une série de services médicaux coûteux, d’agents immobiliers spécialisés et d’experts en crise, dont Global Rescue, une société d’intervention en cas d’évacuation », explique le journal britannique.

Cette entreprise, qui propose à des gouvernements, des entreprises ou des particuliers un système d’évacuation et une prise en charge des soins médicaux en cas de crise sanitaire, climatique ou politique, a, en cinq mois, enregistré plus de clients qu’en 16 ans d’existence. Il faut dire qu’entre les incendies, les ouragans, les sécheresses, la montée des eaux… la crise climatique est de plus en plus réelle.  Face à ces évènements extrêmes, le groupe Vivos a repris 600 anciens bunkers militaires dans le Dakota du Sud.

Les riches « quittent un système » cassé

« Quelle que soit la menace, nos abris sont construits et conçus pour résister ou atténuer à peu près tout, du changement de pôles aux éruptions de volcans, en passant par les tremblements de terre, les tsunamis, les pandémies, les explosions nucléaires, les catastrophes biologiques ou chimiques, le terrorisme et même une anarchie généralisée », lit-on sur le site. Vivos a également équipé ses bunkers de filtres pour contrer les fumées des incendies aux alentours. « Dehors, mec, tu pouvais sentir la fumée. Mais à l’intérieur de leurs bunkers, les gens ont dit qu’ils ne la sentaient pas », explique au Financial Times Dantes Vicino, directeur exécutif de la société qui a testé les filtres lors d’incendies dans le Wyoming. D’autres sociétés proposent aussi des systèmes de refroidissement, calqués sur les gilets pare-balles, qui se portent sous les vêtements.

Ces pratiques permettant d’échapper aux impacts de la crise climatique ont un coût très élevé, accessible seulement à une partie de la population. Pour Abdul El-Sayed, épidémiologiste et ancien commissaire à la santé de la ville de Détroit, si les riches « quittent un système » c’est qu’il est cassé pour l’ensemble de la population. « C’est juste que tout le monde n’a pas les moyens de sortir du système », dénonce-t-il dans le FT.

L’apartheid climatique

Cette situation a un nom : l’apartheid climatique. C’est le terme employé par le Conseil des droits humains de l’ONU. « Une dépendance excessive au secteur privé pourrait conduire à un scénario d’apartheid climatique dans lequel les riches paient pour échapper au réchauffement, à la faim, aux conflits, tandis que le reste du monde souffrirait », expliquait en juin 2019 le rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté, Philip Alston. Une situation d’autant plus difficilement acceptable que plusieurs études ont pointé du doigt le rôle principal des plus riches dans la crise climatique.

Dans un rapport publié en septembre, l’ONG Oxfam a ainsi évalué que les 10 % les plus riches de la planète sont responsables de 52 % des émissions cumulées entre 1990 et 2015, contre seulement 7 % pour les 50 % les plus pauvres. Ces derniers n’ont d’ailleurs quasiment pas accru leurs émissions en 25 ans, alors qu’elles ont explosé chez les plus riches et dans les classes moyennes.

Marina Fabre