Comment l’association Singa facilite l’insertion des réfugiés

Quand ils sont une foule sans visages, les réfugiés font peur, mais l’association Singa montre qu’ils peuvent être utiles à la société en les associant à des nationaux autour de projets communs.

article publié sur les site theconversation.com le 27 juin 2018


Quand les réfugiés sont une foule sans visages

Nathanaël Molle a vécu dans plusieurs pays et continents et sait pourquoi les migrants font peur.

« Assez récemment, dans les représentations collectives, le réfugié est devenu un élément indistinct, non identifié, au sein d’une horde en mouvement potentiellement menaçante. Ce sont ces images de crises, de guerres et de misère qui, relayées par les médias et les acteurs politiques, forgent cet imaginaire collectif très négatif. C’est d’autant plus le cas dans les pays en voie de développement où les effets de la crise sont encore plus nets. »

Des ONG interviennent pourtant partout, mais Nathanël Molle a pu voir que, si elles nourrissent les réfugiés, les soignent, les logent, voire les aident à lancer une activité, elles ne se préoccupent pas du processus d’insertion dans le pays d’accueil. Or, là se situe une grande partie du problème.

Les obstacles à franchir

Le premier obstacle est la langue.

« En France, pays de la francophonie, on n’y accorde pas d’importance, à la différence de pays comme l’Allemagne. Afin de ne pas dépenser “inutilement” de l’argent dans les 400 heures de formation qui leur sont théoriquement dues, l’Administration ne fait subir aux demandeurs du statut de réfugié qu’un test linguistique sommaire. De ce fait, la plupart d’entre eux n’a pas accès à l’outil le plus important pour construire une nouvelle vie, ce qui les confine à des métiers ne nécessitant pas la maîtrise de la langue et ne correspondant pas à leurs qualifications. Dix ans après leur arrivée, certains ne savent toujours pas parler français, car ils n’ont pu qu’enchaîner les petits boulots, mais ils s’entendent dire qu’ils ne veulent pas s’intégrer… Cela fait peser sur les seuls enfants, scolarisés dans notre langue, le rôle d’intermédiaires entre leurs parents et le reste de la société. »

La non-équivalence des diplômes conduit aussi au déclassement. Les traumatismes du voyage, la suspicion dont ils sont l’objet, la longue attente de leur permis de séjour, ne les mettent guère en situation pour chercher une place dans la société d’accueil. Les travailleurs sociaux sont débordés : chez France Terre d’Asile, un travailleur social devait suivre 800 personnes en 2016.

La communauté Singa

N. Molle.

Nathanaël Molle a eu l’idée, avec Guillaume Capelle, qui a fait les mêmes constats en Australie, de créer Singa, communauté de professionnels, d’entrepreneurs, d’artistes, de sportifs, d’étudiants, etc., rassemblant des réfugiés et des nationaux autour d’intérêts communs. Les réfugiés y trouvent un cadre d’accueil, se créent un réseau social et professionnel, apprennent le français, trouvent des opportunités, mais peuvent aussi, en retour, enseigner leur langue, entretenir une passion… Quant aux nationaux, ils viennent pour transmettre, accompagner, apprendre et faire avec d’autres ce qui les passionne.