L’Algérie a fait l’expérience de la terreur islamique durant la décennie noire, on la pensait immunisée. Et elle semble plus religieuse que jamais. Pouvez-vous expliquer ce paradoxe ?
Il s’est passé quelque chose de spécial après ces années de plomb, de terreur. Lorsque je suis revenu à Alger, après la loi d’amnistie voulue par Bouteflika en 1999, les gens étaient décontractés, les filles ne portaient plus le foulard. Puis est survenu le tremblement de terre de Boumerdès en mai 2003, ses 2300 morts, ses 12 000 blessés, ses milliers de sans-abris. Les islamistes se sont emparés du phénomène pour instaurer la peur, l’ont instrumentalisé. En Algérie, le rapport à Dieu est particulier. On ne dit pas : « J’aime Dieu » mais « J’ai peur de Dieu. » Et partout, dans les mosquées, les écoles, les salafistes travaillent sur la peur.