Arrivée en France en juillet 2017, la jeune Roumaine participe à une campagne lancée ce mardi par le collectif Ecole pour tous.
article signé Romain Baheux et publié sur le site du parisien.fr, le 20 11 2018
Elle s’excuse presque de ses difficultés en français, la matière qui lui cause le plus de problèmes. Il y a deux ans, Ana-Maria Stuparu savait juste dire « bonjour » ou « merci ». C’était avant que sa mère n’embarque l’adolescente et son petit frère en juillet 2017. Au revoir la Roumanie, bienvenue en France. Enfin, ses bidonvilles de la région parisienne. Aujourd’hui, la jeune fille de 16 ans vit avec une trentaine de familles roms dans des cabanes à Antony (Hauts-de-Seine) tout en fréquentant le lycée Henri-Poincaré de Palaiseau (Essonne).
Mais si elle se lève désormais le matin pour aller suivre ses cours de Première-ST2S, Ana-Maria a attendu quatre longs mois avant de pouvoir s’inscrire au lycée. « On me demandait des attestations de domicile que je ne pouvais pas fournir, parce qu’un bidonville ça n’est pas une adresse », souffle-t-elle. Aidée par une association locale et une assistance sociale persévérante, l’ado finit par être acceptée dans une classe d’accueil en janvier où elle apprend assez notre langue pour rejoindre un lycée classique.
Dans son établissement de Palaiseau, seules deux de ses amies connaissent ses conditions de vie. « J’ai l’impression de vivre entre deux mondes, glisse-t-elle. La journée au lycée, je suis une élève normale qui fait de son mieux pour réussir. Le soir au bidonville, je suis une pauvre Roumaine qui se bat pour survivre. »
Son quotidien ? Réussir à faire ses devoirs entre l’eau qui s’infiltre par le toit du fragile logement, les pannes des générateurs qui fournissent l’électricité et les rendez-vous administratifs où elle accompagne sa mère qui ne parle pas français. « Dans la cabane, il fait trop chaud ou trop froid. Donc je suis souvent malade », raconte l’adolescente.
« Aller à l’école dans cette situation, ça demande des sacrifices et de la chance. Et des dizaines de milliers de jeunes dans les squats, les bidonvilles, les hôtels sociaux, les camps de gens du voyage et des mineurs isolés n’ont pas ces opportunités », regrette Anina Ciuciu. Élève avocate rom et candidate aux dernières sénatoriales, cette dernière est la marraine d’une campagne lancée ce mardi, journée internationale des droits de l’enfant. Elle est portée par École pour tous, un collectif d’une vingtaine de jeunes concernés dont Ana-Maria Stuparu fait partie.
Objectif : les mêmes chances pour tous
Soutenu par plusieurs associations des droits de l’enfant et d’accès à l’éducation,le collectif école pour tous a une volonté : rencontrer le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. « On veut lui délivrer notre message de vive voix, souligne Anina Ciuciu. Il faut simplifier les démarches d’accès à l’école, améliorer les conditions de vie des familles pour favoriser l’apprentissage et créer plus de classes d’accueil adaptées à ces jeunes. Ce qu’on souhaite lui dire, c’est que la République a donné une promesse : celle que tout le monde puisse avoir les mêmes chances de réussite en France. Aujourd’hui, il faut que cette promesse se réalise. »
Ana-Maria insiste : « Dans mon bidonville, la majorité des enfants sont scolarisés, mais c’est difficile pour les petits de 7 ans de rester motivés et de tenir le coup. Notre objectif, c’est d’être la voix des personnes qui sont dans ces situations difficiles. » En attendant, la lycéenne va continuer d’étudier avec l’espoir de devenir un jour assistante sociale. Mais aussi la crainte de se faire expulser de son bidonville et de voir ses rêves encore perturbés.