La mairie a mis fin à une expérimentation qui permettait de loger des mineurs isolés en attente d’une prise en charge éventuelle du département et de l’aide sociale à l’enfance. Tous se retrouvent à la rue et sans solution.
reportage par Philippe Gagnebet
A l’abri depuis 2019 dans l’ancienne maison de retraite Les Tourelles, à Toulouse, environ cent jeunes, la plupart originaires d’Afrique de l’Ouest, campent désormais sur la pelouse du terminus du tramway, derrière le tribunal de grande instance. Vendredi 26 août au matin, les forces de l’ordre ont procédé à l’expulsion des habitants de l’ancien Ehpad, mis à disposition par la mairie dans une démarche expérimentale.
Ils avaient été logés là le temps que les services du conseil départemental reconnaissent leur minorité, ou pas, pour savoir s’ils pouvaient bénéficier de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Le 3 mai, le centre communal d’action sociale de Toulouse, propriétaire du bâtiment, avait obtenu l’ordre d’expulsion, après des bagarres supposées et la présence de personnes majeures dans le bâtiment.
Dans un communiqué commun, la métropole et la préfecture assurent qu’« un travail partenarial étroit entre les services de la préfecture, du conseil départemental et de Toulouse Métropole avait été effectué en amont [de l’expulsion] afin d’organiser concrètement la prise en charge et l’hébergement de ces personnes, en fonction de la situation administrative et personnelle de chacun ». Le soir même, tous se sont pourtant installés et ont dormi sur les allées Jules-Guesde. « On a aucune solution, affirme Jennifer Gruman, enseignante et membre d’AutonoMIE, le collectif qui suit et accompagne ces jeunes. On savait que l’expulsion arriverait. Mais les recours auprès du juge des enfants se poursuivent. On sait qu’au final, 90 % d’entre eux sont reconnus mineurs. »
S’ils sont mineurs, ils doivent être pris en charge dans des foyers spécialisés ou des familles d’accueil, dans toute la France. Dans le cas contraire, ils sont expulsables.
Structure débordée
Le conseil départemental, qui n’a pas commenté l’expulsion, fait face à un afflux de ces jeunes depuis une dizaine d’années. En Haute-Garonne, la structure chargée du suivi de ces dossiers, le dispositif départemental d’accueil, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés, est débordée. Dès 2015, la collectivité avait décidé d’« arrêter les placements automatiques à l’hôtel qui ne sont, en aucun cas, des structures adaptées à la prise en charge de ces personnes ».
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Avec le manque de places en foyers, beaucoup se retrouvent donc à la rue. C’est le cas de Traoré, 16 ans, originaire de Guinée-Conakry. Son dossier en attente, il est cependant inscrit dans un lycée privé pour la rentrée et va y suivre un CAP plomberie. Arrivé en France avec un acte de naissance prouvant sa minorité, il « attend des nouvelles de l’avocat. Ce soir, je vais encore dormir sur la pelouse », dit-il. Des professeurs bénévoles de l’association Tous-tes en classe 31 et l’ONG Médecins du monde ont amené les premières bouteilles d’eau et cartons de nourriture en début de week-end. « Mais on ne trouvera jamais aussi rapidement des hébergements solidaires et une solution pour tous », se désolait, dimanche , Barbara, bénévole à AutonoMIE.
Philippe Gagnebet (Toulouse, correspondant)