Le premier confinement avait été globalement respecté malgré la surpopulation dans les logements. Depuis, la lassitude, l’épuisement, le découragement ont fait vaciller les volontés. « Les gens sont perdus, ils vivent au jour le jour, ils en ont marre, ils sont à fleur de peau, ils sont plus agressifs » (Cherif Sadi-Haddad, gérant d’un magasin de photo). « Cela fait des mois qu’on vit avec l’attente de la sentence suivante, on se retrouve tous à attendre, attendre, attendre » (Tahar Rachedi, patron du Harry’s café, 49 salariés). « La rentrée de septembre sera terrible. Il y aura tellement de décrocheurs parmi les enfants dans les familles qui ne peuvent pas faire l’école » (Clarisse Lascaud, infirmière libérale sur Bondy). « Certaines personnes âgées restent cloîtrées chez elles, elles n’osent plus sortir, je ne sais pas comment on fera » (Catherine Journot, amicale des locataires de Saint-Blaise).
Nassera Dif, coiffeuse installée depuis vingt ans rue Jules-Guesde, raconte que deux clientes ont pleuré le matin même, dans son salon : « Elles disent qu’elles n’ont plus aucun loisir, plus de liberté, et le sentiment de se faire presser comme des citrons au boulot. » Elle-même rêve de pouvoir s’échapper de la ville pour prendre l’air. Souffler, oublier. Survivre. « C’est comme si on vivait tous avec un bracelet électronique et un périmètre à ne pas dépasser. » Derrière elle, une jeune femme se fait couper les cheveux avec son ordinateur sur les genoux pour ne pas interrompre son télétravail − le Covid-19 n’a pas mis fin aux réunions auxquelles on fait semblant de participer.