A Bondy (93), la grande faucheuse des inégalités inquiète presque autant sinon plus que le virus.

Profonde colère

« Mensonges »« manipulations ». La défiance envers les autorités se mesure dans la sévérité des mots − ceux des enseignants, des soignants, des commerçants. « Une puissance comme la France et on a l’impression de faire partie du tiers-monde », s’agace Cherif Sadi-Haddad, pourtant calme et mesuré. La colère est très profonde, très impressionnante. Les discours contradictoires sur les masques, les ratés sur les tests, puis sur les vaccins ont fait perdre confiance, comme si c’étaient les mots des gouvernants et des administrations qui relevaient désormais d’une vérité alternative.

S’ajoute une incompréhension des règles, fluctuantes, parfois kafkaïennes, à la fin inapplicables« J’ai arrêté de remplir les fichiers qui ne servent à rien alors qu’on ne demande qu’une chose : des vaccins, des vaccins ! », s’agace Hamza Ben Ali, le pharmacien« Les élèves acceptent les règles s’ils les comprennent et les trouvent justes. C’est vrai aussi pour les adultes », souligne Philippe Gauthier, professeur de mathématiques au collège Brossolette, membre du Syndicat national de l’enseignement secondaire (SNES).

Le père Patrice Gaudin, curé de la paroisse du Christ-ressuscité, fait visiter le quartier de Bondy-Nord où son église est installée, bâtiment moderne, portes grandes ouvertes sur la cité, une des plus difficiles d’Ile-de-France. De tous les côtés, jeunes, vieux, on l’interpelle, on lui demande des nouvelles. Dans le groupe d’adolescents et de jeunes majeurs qui le saluent en l’appelant « PP » (« C’est mon blaze »), autour d’un barbecue improvisé, personne ne porte de masque. « Si on doit mourir, on mourra », résume l’un d’eux, signe de fatalisme plus que de provocation.